Les langues se délient au FLN où l'on parle de complot externe dirigé contre le parti. Seul contre tous, face à sa Constitution, le parti de la majorité essuie des tirs croisés venant de ses alliés d'hier, de la classe politique et même de certains de ses militants. Mais le parti de la majorité ne finit pas de surprendre son monde. Il est catégorique au sujet de la présidence à vie qu'il refuse dans le fond et dans la forme. La polémique à ce sujet a été relancée hier, suite à la «la fuite organisée» sur la mouture de la nouvelle Constitution. Les membres de la commission chargée de préparer cette mouture sont d'ailleurs au centre d'une violente polémique. «Cette situation mettra M.Belkhadem en mauvaise posture dans la mesure où le document divulgué n'a pas été encore remis au président la République» affirment, dépités, des responsables au sein du FLN. Abdelaziz Belkhadem a promis jeudi dernier, devant la presse et les caméras, que les axes et les motifs de cette révision constitutionnelle ne seront dévoilés que le jeudi 15 juin, date à laquelle le président de la République aura reçu une copie de cette mouture. La révélation de la fuite a en effet créé un mini-séisme interne au FLN mais vite étouffé. Flegmatique, le porte-parole du FLN, Saïd Bouhadja, a démenti les faits. Il a affirmé que les éléments de la Constitution tels que rapportés par la presse hier, et même avant cette date, ne correspondent pas à la ligne du parti. «Ni le peuple algérien, ni les orientations du FLN n'accepteront une présidence à vie et un chef de gouvernement aux prérogatives plus larges que le Parlement» a déclaré M.Bouhadja. Plus explicite, il se répète et appuie: «Le FLN n'acceptera jamais une présidence à vie car c'est un non-sens. D'autre part, jamais nous n'accepterons au FLN un Premier ministre plus puissant que le Parlement ; c'est également un non-sens dans les pays qui aspirent à la démocratie et à la modernité.» Plus offensif, le porte-parole du FLN ajoute: «Les orientations du FLN sont claires. Nous sommes attachés au principe du multipartisme, à la démocratisation et l'alternance au pouvoir.» Puis, M.Bouhadja évoque la thèse d'un complot externe dirigé contre son parti. Il assimile ces complots à l'affaire de la bleuite dont a été victime l'ALN durant la guerre de Libération. «La bleuite, c'est de l'histoire. Ceux qui nous ont attaqué sur ce front se trompent. Nous sommes suffisamment aguerris en matière de renseignements et de répliques pour ne pas céder aux canulars», a-t-il martelé avec la même sérénité. Mais en politique, le calme et la sérénité font rarement partie de l'atmosphère ordinaire. Car les propos du président de la commission chargée de préparer la mouture de la nouvelle Constitution, Bouzid Lazhari, indiquent exactement le contraire du calme affiché par M.Bouhadja. M.Lazhari a été trop évasif au sujet de cette «fuite». Contacté hier, il n'a pas démenti les informations rapportées par la presse et qui évoquent une fuite. «J'ai remis une copie au secrétaire général du parti, j'estime avoir fait mon travail, pour le reste je ne peux rien vous dire», a-t-il répondu. Cette déclaration résume, à elle seule, la perplexité ressentie par les responsables du FLN. En d'autres termes, le président de cette commission confirme à demi-mots qu'il y a eu fuite même s'il ne le dit pas explicitement. Des conciliabules se formaient hier, au siège du FLN où l'on susurre que «M.Lazhari aurait reconnu en privé l'existence de cette fuite». Les langues se délient et les appétits s'aiguisent. On parle même « d'un complot des pro-Benflis». D'autres, plus inspirés, avancent que le document divulgué par la presse est une fausse copie rédigée par les ennemis politiques du FLN « en vue de court-circuiter sa démarche et de salir son image auprès de l'opinion et du président ». Avec le volcan interne qui gronde, les autres partis qui menacent, les anciens politiques qui s'agitent et les échéances électorales qui approchent, comment est-il possible pour les responsables du parti de la majorité d'évoluer dans la sérénité?