Le président russe, Vladimir Poutine, a choisi de défier les Occidentaux, qui ont annoncé des sanctions, en ordonnant à ses troupes d'entrer dans les territoires séparatistes à l'est de l'Ukraine, provoquant dans la nuit de lundi à mardi une réunion d'urgence du Conseil de sécurité pour tenter d'éviter une guerre avec Kiev. «Les prochaines heures et jours seront critiques. Le risque de conflit majeur est réel et doit être évité à tout prix», a déclaré au début de la réunion la secrétaire générale adjointe de l'ONU pour les Affaires politiques, Rosemary DiCarlo. L'ONU et une majorité de membres du Conseil de sécurité, Etats-Unis en tête, ont dénoncé la décision de Moscou de reconnaître l'indépendance des républiques sécessionnistes de l'est de l'Ukraine et d'y «déployer des troupes russes». La Chine a appelé lundi les acteurs de la crise ukrainienne à «faire preuve de retenue», via son ambassadeur à l'ONU Zhang Jun. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, basée à Vienne, a appelé, hier, Moscou à «annuler immédiatement cette décision», estimant dans un communiqué que «cette mesure constitue une violation du droit international et des principes fondamentaux de l'OSCE». Signe de la nouvelle montée des tensions, les diplomates américains encore en Ukraine ont été déplacés en Pologne pour des «raisons de sécurité», a annoncé le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken. La Russie a toutefois assuré, hier, être toujours «prête» aux négociations avec Blinken qui doit rencontrer jeudi à Genève son homologue russe Sergueï Lavrov. «Même aux moments les plus difficiles (...) nous disons: nous sommes prêts au processus de négociations, c'est pourquoi notre position est restée la même (...). Nous sommes toujours pour l'utilisation de la diplomatie», a déclaré la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, dans des commentaires diffusés sur YouTube. Le Parlement russe devait entériner hier la décision du chef du Kremlin de déployer une force de «maintien de la paix» dans les régions de Donetsk et Lougansk dont il a reconnu l'indépendance, une «violation de souveraineté» dénoncée par Kiev et les Occidentaux qui ont annoncé des sanctions. Aucun calendrier n'a été communiqué sur le déploiement militaire, dont on ignore également l'ampleur. Mais, selon l'Occident, la Russie dispose de quelque 150.000 soldats aux frontières de l'Ukraine. Deux accords d'entraide entre Moscou et les sécessionnistes, d'une durée de dix ans, doivent être ratifiés par le Parlement. Ils prévoient le déploiement «des unités militaires russes nécessaires au maintien de la paix dans la région et d'assurer une sécurité durable aux parties». Lundi soir, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a qualifié «les derniers actes de la Russie de violation de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de notre Etat», assurant que Kiev ne cèderait pas «une parcelle» du pays et n'avait peur «de rien ni personne». Dans une adresse à la Nation, il a également appelé ses partenaires occidentaux à un soutien «clair» et «efficace». Les décisions russes signent la fin d'un processus de paix sous médiation franco-allemande qui, bien que régulièrement violé, avait permis de stopper les affrontements les plus violents de ce conflit ayant fait plus de 14.000 morts depuis son déclenchement en 2014, après l'annexion de la Crimée par Moscou. Les Etats-Unis, l'Union européenne, comme l'Otan et Londres, ont aussi dénoncé la décision du président russe. Le président Joe Biden a publié lundi un décret interdisant tout nouvel investissement, échange ou financement par des personnes américaines à destination, en provenance ou dans les régions prorusses de Donetsk et Lougansk. Et la Maison- Blanche a annoncé de «nouvelles sanctions» pour hier. La Présidence française a aussi annoncé des sanctions prochaines de l'UE visant des entités et individus russes. Et le Premier ministre britannique Boris Johnson veut décider mardi d'un «important paquet de sanctions». Dans sa longue allocution télévisée, Poutine a réitéré ses accusations de «génocide» des Russes et russophones d'Ukraine et qualifié l'Ukraine de pays artificiel et indissociable de la Russie. La France a dénoncé la «dérive idéologique» et le «discours paranoïaque» de Vladimir Poutine. Les tensions, qui n'ont cessé de croître ces derniers mois, se sont encore aggravées depuis trois jours avec la recrudescence des heurts dans l'est de l'Ukraine entre forces de Kiev et les séparatistes. Les observateurs de l'OSCE ont enregistré en 48 heures plus de 3.200 nouvelles violations de la trêve censée être en vigueur. La Russie a assuré lundi qu'au moins 61.000 personnes avaient été «évacuées» les zones séparatistes vers son territoire. Principales réactions Le président russe Vladimir Poutine a reconnu lundi soir l'indépendance des régions séparatistes pro russes de l'est de l'Ukraine. Voici les principales réactions. ONU - Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, dénonce «une violation de l'intégrité territoriale et de la souveraineté de l'Ukraine», «incompatible avec les principes de la Charte des Nations unies». UNION EUROPEENNE - L'UE qualifie la reconnaissance de «violation flagrante du droit international ainsi que des accords de Minsk» et va sanctionner «les personnes impliquées dans cet acte illégal». L'UE a décidé, hier, de premières sanctions contre la Russie. OTAN - Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, condamne: «Les Alliés demandent instamment à la Russie de choisir la voie de la diplomatie, de renoncer immédiatement à son renforcement militaire massif en Ukraine et de retirer ses forces». ETATS-UNIS - La décision russe contredit «l'engagement de la Russie envers la diplomatie» et mérite une réponse «ferme» et «rapide», selon le secrétaire d'Etat Antony Blinken. FRANCE - Le président Emmanuel Macron condamne la décision de Vladimir Poutine et réclame des «sanctions européennes ciblées» contre Moscou. ITALIE - Le chef du gouvernement Mario Draghi exprime sa «plus ferme condamnation» de la décision russe, «une violation inacceptable de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de l'Ukraine». ALLEMAGNE - Pour la MAE Annalena Baerbock, Vladimir Poutine «renie tous ses engagements». «Nous mettons expressément en garde contre toute nouvelle escalade militaire de la Russie». PAYS BALTES - Pour la Lituanie, «une telle escalade doit être sanctionnée». En Lettonie, le gouvernement appelle à «de solides sanctions économiques» contre la Russie et «une action appropriée de l'Otan». L'Estonie appelle à de «fortes sanctions» contre cette «grave attaque contre la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine». ROYAUME-UNI - Le Premier ministre Boris Johnson dénonce «une violation flagrante de la souveraineté» de l'Ukraine et une «répudiation» des accords de paix de Minsk. Il annonce «une première série» de sanctions économiques qui vont «frapper la Russie très fort». CHINE - Pékin ne condamne pas explicitement la Russie et appelle les acteurs de la crise ukrainienne à «faire preuve de retenue et à éviter toute action susceptible d'alimenter les tensions». TURQUIE - La décision de Moscou est «inacceptable», estime le président Recep Tayyip Erdogan, «nous appelons les parties concernées à faire preuve de bon sens et à se conformer au droit international». IRAN - Le MAE appelle Moscou et Kiev à la «retenue», estimant que «malheureusement les interventions et les actions provocatrices de l'Otan et principalement des Etats-Unis ont compliqué la situation dans la région». SYRIE - Damas «soutient» la décision russe et «coopérera» avec les républiques de Donetsk et Lougansk, selon le MAE Fayçal al-Meqdad cité par l'agence officielle SANA. «Ce que l'Occident fait actuellement contre la Russie est similaire à ce qu'il a fait contre la Syrie durant la guerre terroriste.».