Le président russe Vladimir Poutine assistait hier à des man-oeuvres militaires de grande ampleur et à des essais de missiles, alors que les Etats-Unis se disent toujours convaincus que la Russie a décidé d'envahir l'Ukraine, «de façon imminente», et que les incidents sur la ligne de front s'accumulent. Les craintes d'une attaque russe sont à leur comble en raison de la multiplication des violations du cessez-le-feu entre séparatistes pro russes et forces ukrainiennes qui se battent depuis 2014, dans l'est de l'Ukraine, dans un conflit qui a déjà fait plus de 14.000 morts. Les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont fait état samedi d'une «augmentation spectaculaire» de ces violations. Selon eux, le nombre d'incidents armés sur la ligne de front est désormais identique à celui d'avant juillet 2020, date à laquelle avait été conclu un accord pour renforcer le cessez-le-feu. L'agence d'Etat russe Ria Novosti a rapporté vendredi deux explosions, dont celle d'un oléoduc, à Lougansk, ville de l'est de l' Ukraine tenue par les séparatistes. Et les autorités des territoires sécessionnistes pro russes ont ordonné l'évacuation des civils vers la Russie. Un soldat ukrainien a été tué, hier, dans des affrontements avec des séparatistes pro russes dans l'est du pays, a annoncé l'armée ukrainienne. «À la suite d'un bombardement, un soldat ukrainien a été mortellement blessé par un éclat d'obus», a affirmé le commandement militaire pour l'est de l'Ukraine dans un communiqué, précisant que la situation «est sous contrôle». Les forces armées ukrainiennes et les séparatistes pro russes se sont mutuellement accusés de violations graves du cessez-le-feu. Moscou dément formellement être mêlé au conflit et parle d'affaires intérieures à l'Ukraine. Les séparatistes de la région de Donetsk, qui accusent Kiev de vouloir reprendre leur région, ont quant à eux qualifié la situation de «critique» et ont annoncé une «mobilisation générale», de même que leurs voisins de la région de Lougansk. Les observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont affirmé samedi avoir constaté une «augmentation spectaculaire» des violations du cessez-le-feu, pour un total de 870 vendredi. Le Kremlin continue de nier toute intention d'attaquer son voisin, mais réclame des garanties pour la sécurité de la Russie, comme le retrait de l'Otan d'Europe de l'Est, ce que l'Occident refuse. Le président américain Joe Biden s'est déclaré «convaincu» vendredi que Vladimir Poutine avait décidé d'envahir l'Ukraine, et que la multiplication des heurts visait à créer une «fausse justification» pour lancer l'offensive dans la semaine ou même les jours qui viennent. Mais il a laissé la porte ouverte au dialogue. Tant qu'une invasion ne s'est pas produite, «la diplomatie est toujours une possibilité», a-t-il estimé, annonçant une rencontre entre son secrétaire d'Etat Antony Blinken et le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov jeudi prochain. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky devait de son côté rencontrer à Munich des dirigeants occidentaux, dont la vice-présidente américaine Kamala Harris. Washington estime que la Russie dispose de 190.000 hommes aux abords de l'Ukraine et sur son territoire, en comptant les forces séparatistes. C'est «la plus grande concentration de troupes militaires» depuis la Guerre froide, a dit le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, jugeant que Moscou était «en mesure, sans autre forme d'avertissement, d'attaquer». Le Pentagone a affirmé vendredi qu'entre 40% et 50% de ces troupes russes sont «en position d'attaque», et que les heurts sur la ligne de front font partie d'une «campagne de déstabilisation de l' Ukraine préliminaire à une invasion. Le ministre de la Défense américain Lloyd Austin a lui aussi affirmé à la chaîne ABC que la Russie avait rassemblé les éléments «nécessaires à une invasion réussie». «Je ne crois pas que ce soit du bluff», a-t-il déclaré. La Russie n'a jamais divulgué le nombre de ses soldats massés aux frontières de l'Ukraine ou participant à des manoeuvres au Bélarus voisin. Le ministère russe de la Défense a annoncé que Poutine supervisait personnellement hier les manoeuvres militaires, avec notamment des tirs de missiles balistiques et de croisière capables de porter des charges nucléaires. Ces exercices mobiliseront des forces du district militaire Sud, les forces aérospatiales, les flottes du Nord et de la mer Noire ainsi que les «forces stratégiques». Ces dernières sont équipées de missiles à portée intercontinentale, de bombardiers stratégiques, de sous-marins, de navires de surface et d'une aviation navale porteuse de missiles conventionnels. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a assuré qu'il s'agit d'un «processus d'entraînement régulier». L'Occident a promis à Moscou des sanctions économiques dévastatrices en cas d'invasion de l'Ukraine. Elles feraient de la Russie un «paria», a encore martelé vendredi un responsable américain. Mais Vladimir Poutine a de nouveau balayé la menace: «Les sanctions seront introduites quoi qu'il arrive. Qu'il y ait une raison ou pas, ils en trouveront une car leur but est de freiner le développement de la Russie». Toute la journée de vendredi, les belligérants dans l'est de l' Ukraine se sont accusés de violer une trêve et d'user d'armes lourdes. Le président de la chambre basse du Parlement russe, Viatcheslav Volodine, a assuré que la Russie allait «défendre» les «citoyens russes» qui vivent dans les territoires séparatistes en Ukraine si leurs vies étaient «menacées». «Si la guerre commence, c'est l'Europe qui deviendra le théâtre des hostilités», a-t-il prévenu.