La galerie d'art Mohamed Racim, sise à 7 avenue Pasteur, Alger-Centre, accueille, actuellement, une superbe exposition photographique, intitulée «Bou Saâda, regards croisés». Celle-ci vient rompre avec l'image mythifiée de la ville d'Etienne Dinet, qui lui colle à la peau et vient lui resituer, enfin, sa véritable image contemporaine, pas assez reluisante que l'on pense. Cette exposition qui se tient jusqu'au 23 mars est le fruit d'une résidence artistique, troisième du genre, organisée sur initiative de l'Union européenne. En effet, sont visibles 120 oeuvres produites dans le cadre de la 3eme résidence des photographes qui s'est tenue cette année dans la ville de Bou Saâda du 21 au 28 octobre dernier. Ce sont dix artistes photographes venus de huit wilayas du pays (Alger, Tizi Ouzou, Tlemcen, Mostaghanem, Tiaret, Oran, Jijel et Constantine) qui ont pris part à cette résidence ayant comme directeur artistique Reslane Lounici. La résidence a été encadrée en outre par trois photographes professionnels Nora Zaïr¨, Liasmine Fodil et Mehdi Hachid. « L'objectif de cette initiative est de favoriser et stimuler l'échange artistique entre les passionnés de l'art en général et de la photographie en particulier» fait savoir M. Thomas Eckert, ambassadeur, chef de la délégation de l'Union européenne en Algérie. Ce dernier soulignera lors de la conférence de presse: «Ces dix photographes ont été sélectionnés sur près de 200 candidats. Ils ont passé une semaine ensemble avec des échanges très riches. En raison des restrictions sanitaires, cette résidence n'a malheureusement pas permis de faire participer des photographes européens à l'instar des précédentes éditions, soit en 2010 à Alger et en 2014 à Constantine. Néanmoins, «après deux années de pandémie et le gel de l'activité artistique que cela a engendré, nous avons retrouvé dix résidents bouillonnant de créativité et avides de pratiquer leur art. Nous espérons relancer la coopération artistique euro-algérienne le plus vite possible. » a souligné l'ambassadeur. Voyage dans le présent de Bou Saâda La résidence a donné lieu à la réalisation d'un très beau livre d'art regroupant les travaux des résidents, sous la direction de Reslane Lounici. «Les photos contiennent un message profondément humain qui montre bien l'inspiration de l'endroit et font découvrir les nuances des couleurs de Bou Saâda. Cette dernière est un lieu unique qui a toujours créé des impressions extraordinaires, notamment avec le nom d'Etienne Dinet et dont la tombe est immortalisée par une photo avec une certaine transposition que je trouve absolument fascinante. «Travail expérimental basé sur le négatif et le symbole de Nora Zaïr, Ndlr», dira l'ambassadeur. et d'ajouter: « Si le paradis était au ciel, il serait au-dessus de Bou Saâda et s'il était sur terre il serait à Bou Saâda.», conclut-il. Pour sa part, Reslane Lounici fera remarquer que «le projet '' Regards Croisés'' a été une sorte de montagnes russes émotionnelles pour toute l'équipe artistique. Le choc de la rencontre avec la ville a vu son onde se répercuter dans le travail de chacun, il a été très difficile par la suite de faire un choix d'oeuvres tant la production a été prolifique». Le directeur artistique de cette résidence exprimera son enthousiasme, mais aussi sa «tristesse de voir ce projet se terminer après qu'il ait fait partie de ma vie pendant plus de six mois. Personnellement, je travaille dessus depuis l'été dernier et les photographes depuis le mois d'octobre».Et de renchérir: « Bou Saâda a été un choix évident au départ pour cette résidence. On connaît tous cette ville sans vraiment la connaitre. Cette résidence nous a permis de passer dix jours dans la ville, de nous perdre dans la ville et de découvrir les gens, les habitants, les artistes de la région et les richesses de la région.» Evoquant les artistes, il fera remarquer que «le choix a été difficile. Sur plus de 200 candidatures, nous avons pris le parti de sélectionner des photographes très différents qui font beaucoup de photographie conceptuelle. On s'est retrouvé à la fin avec des regards croisés algéros-algériens qui sont très différents les uns des autres et qui sont très pointilleux sur certains détails....» Des prises de vue et des ressentis En effet, Au vu de ces photographies déclinées, en partie, en noir et blanc et d'autres en couleur, l'on découvre, en effet, un foisonnement de regards portés sur cette ville si réputée que Bou Saäda. Nous découvrons une nouvelle facette, entre ses paysages, ses habitants, des vieux, des enfants et ses décors pittoresques. Des photos qui se distinguent par certain détails, approches et sujet que les photographes ont su capter avec intelligence pour nous délivrer une image différente que celle que l'on connait à la base. Des angles, des visions et un cadre particulier qui nous renseignent non seulement sur une ville, mais aussi sur la technicité des photographes. À propos du livre d'exposition, Arslane Lounici dira: « Nnous avons essayé de condenser le travail de tout le monde et de raconter une histoire avec différentes voix et nous espérons que ces voix pourront vous toucher et vous émerveiller». Prenant la parole, Nora Zaïr qui fut une parmi les trois formateurs, dira avoir été très contente de prendre part à cette troisième résidence. «On a essayé d'encadrer les dix photographes qui ont participé. En même temps c'était une rencontre et un partage. Ce fut des relations humaines qui se sont renforcées avec le temps jusqu'à aujourd'hui. La plupart des photographes ont découvert Bou Saâda pour la première fois. J'en fais partie aussi. Ce fut vraiment une découverte pour nous. Chaque photographe a apporté son propre regard et son ressenti sur la ville. On peut découvrir cela dans leur série de photos. Une partie est visible dans le livre et une autre dans l'exposition.». Expliquant sa démarche, elle dira avoir «encadré un atelier sur la photographie de rue, tandis que Mehdi Hachid sur le langage visuel, alors que Yasmine Fodil se consacrera au portrait». Ayant participé à cette résidence, le photographe Youcef Senous, confiera pour sa part que «Bou Saâda s'est imposée à nous comme un paradoxe. On ne connaissait d'elle que sa face fantastique et, on va dire, euphorique, mais au fur et à mesure que le temps passait et grâce au fil conducteur qui nous a été imposé, on a essayé d'aller à la recherche des mythes fondateurs de Bou Saâda. On a essayé d'exploiter tous les aspects qui nous ont été imposés par la ville, le mode de vie, les gens, notamment par les enfants et chacun de donner non seulement son regard mais sa touche sur la ville, et de restituer cette première émotion qui l'a frappé au début.». À noter que la prochaine résidence photographique de tiendra probablement dans la région Ouest du pays. Il faudra attendre donc l'appel à candidature pour y prendre part. En attendant la prochaine édition, un passage à la galerie Mohamed Racim s'impose pour apprécier et découvrir ces photos pas comme les autres de la ville de Bou Saâda. Entre le mystère, le mystique, l'ambiance, l'âme de la ville et son quotidien, un voyage en images et imaginaire vous est proposé en plusieurs photos. À voir donc!