Il y aura 60 ans, dans quelques jours, l'Algérie et la France signaient la fin d'une guerre qui a marqué le XXe siècle. Débutée une nuit du 1er novembre 1954, elle fut l'épilogue d'une très longue série de soulèvements des Algériens contre un système colonial d'une sauvagerie sans pareille. Instaurée par une poignée d'individus, sans foi ni loi, qui ont vu dans l'invasion de l'Algérie une occasion en or de s'enrichir, la colonisation de peuplement s'est octroyé le soutien de plusieurs gouvernements français. Ces derniers ont mis l'armée au service des colonisateurs et lui ont donné carte blanche. Il s'ensuivit la politique de la terre brûlée. Les enfumades, les viols, les expropriations. Les Algériens résistèrent, tout le temps qu'avait duré l'avancée des troupes françaises. Ils perdirent de nombreuses batailles et plusieurs guerres, mais n'abdiquèrent pas. Le système colonial a tout fait pour leur fermer les portes de l'émancipation et du savoir. Relégués politiquement au deuxième collège, digne de la plus horrible des politiques ségrégationnistes, les Algériens n'avaient pas droit à l'instruction. Au centenaire de la colonisation, les colons pensaient en avoir fini avec un peuple, conquis et réduit à l'état de serviteurs des seigneurs, en réalité un ramassis de brigands et de criminels contre l'humanité. La colonisation, c'était d'abord une entreprise génocidaire. Ces rappels sont nécessaires pour installer le débat sur la présence française en Algérie. Il n'est pas question d'aller dans le sens d'une quelconque nuance. La réconciliation mémorielle entre la France et l'Algérie d'aujourd'hui ne doit pas signifier déchirer la page, mais juste la tourner. Ce n'est pas aux Algériens, qui se sont battus pour leur indépendance, de repenser leur passé. Il est glorieux et arrosé par le sang de 5 millions 630 mille martyrs. Les Algériens assument totalement leur passé, leurs révoltes successives, leur révolution et l'option militaire retenue par le Conseil révolutionnaire pour l'unité et l'action. Sortis victorieux de la guerre d'indépendance, les Algériens n'entretiennent aucune haine à l'endroit de la France, mais du système colonial seulement. Celui-ci a été vaincu et n'existe que dans la tête de quelques nostalgiques, d'ailleurs rejeté par l'écrasante majorité du peuple français qui a voté l'autodétermination de l'Algérie à 74,9% lors du référendum du 8 janvier 1961. Les Français ont confirmé leur accord pour l'indépendance de l'Algérie, le 8 avril 1962 en l'approuvant à plus de 80%. La haine de l'Algérie, ce n'est donc pas le citoyen qui l'entretient, mais les descendants d'une caste de racistes qui auraient aimé que les choses ne changent pas en Algérie. Qu'ils demeurent les maîtres du pays. Mais leur grande terreur est de voir la société française ouvrir définitivement les yeux sur la réalité de la colonisation de l'Algérie. Cela pour dire, que la bataille de la mémoire doit être menée en France plus qu'en Algérie. Et en ces jours anniversaire de la signature des accords d'Evian entre l'Algérie et la France, le 18 mars 1962, mettant fin à la guerre d'Algérie, le quotidien L'Expression ouvre ses colonnes à des historiens algériens et français, ainsi qu'à des témoins, afin qu'ils s'expriment sur cet évènement. Nous avons entamé dès avant-hier notre série d'entretiens avec des historiens et intellectuels algériens, français et suisses. L'excellent travail réalisé par l'historien Amar Mohand-Amer, directeur de la direction socio-anthropologie de l'Histoire et de la Mémoire (HIST. MEM), du CRASC d'Oran et notre journaliste-écrivain Kamel Lakhdar Chaouche, se poursuivra au- delà du 19 mars et jusqu'au 5 juillet prochain. Nous célébrerons ces deux fêtes, de la Victoire et de l'Indépendance, avec nos amis français qui comprennent le sens de la lutte pour l'indépendance et l'horreur qu'a été la colonisation.