La journée consacrée à une étude sur la sécurité alimentaire, organisée à l'initiative de la Confédération du patronat citoyen Capc, a été propice pour relancer le débat autour du modèle agricole à adopter et les défis actuels qui se dressent sur la chemin de l'Algérie vers une sécurité alimentaire, synonyme de souveraineté nationale. Elaborée par le professeur d'économie agricole à l'institut agronomique de Montpellier IAM, Omar Bessaoud, l'étude «de la sécurité à la souveraineté alimentaire» a eu le mérite de recentrer les débats autour de questions fondamentales et cruciales, en quête d'un modèle de développement durable de l'agriculture algérienne. En plus de ce docteur ès qualité, reconnu pour son analyse du contexte agricole maghrébin et, en particulier algérien, l'on notera la participation de plusieurs experts et économistes en relation avec le monde agricole et rural. Incontestablement, les contributions de l'ancien ministre de l'Agriculture, le docteur Rachid Benaïssa,ont rehaussé les débats passionnés et intéressés. Dans son exposé, le professeur Bessaoud n'a pas pris de gants pour décrire les anachronismes et les dysfonctionnements multiples qui affectent différents segments du développement de l'agriculture en Algérie. L'orateur dressera, également, un constat sans complaisance de la filière céréalière, laitière, les ressources hydriques, etc... récusant certains chiffres et statistiques. À ce sujet, tout en déplorant l'absence de données de base pouvant servir de support à la prise de décision, Bessaoud estimera que «notre taux de dépendance aux importations, pour la couverture des besoins est toujours à hauteur de 70%». À coups de rappels d'expériences passées, ce professeur de l'université de Montpellier reviendra également sur «les taux de croissance impressionnants enregistrés de 2004 à 2015. Pour ce professeur émérite, «l'un des grands défis face à la céréaliculture en Algérie, est la semence... Il faut aller vers ce maillon important», dira-t-il faisant référence à des études et à des pratiques anciennes sur la semence locale, notamment saharienne qui a donné des résultats probants». Il appellera, par ailleurs, à décoloniser notre système technique d'usage et à aller vers des procédés nouveaux et innovants pour aboutir à une relance réelle de l'agriculture. Pour ce professeur, les récentes perturbations qui ont frappé le marché de certains produits comme la pomme de terre et autres «ne sont pas le fait de la spéculation... Ils sont liés aux volumes de production saisonniers». Remettant en cause les capacités de stockage qui sont de l'ordre de «100.000 tonnes», il estimera qu'elles ne représentent que 4% du volume global de la production. Pour faire passer le message, il fera l'analogie avec d'autres pays, comme la Tunisie qui s'appuie sur des dizaines de milliers d'éleveurs. Il s'attardera également sur la nécessité de créer de petites centrales laitières, l'institution d'un système d'identification du bétail, la revalorisation des système de recherches et développement, la mobilisation des coopératives, et l'implication de l'ensemble des acteurs dans toutes les démarches ou politiques visant le développement agricole. Il déplorera également «l'absence d'inventaires des pratiques savantes de la paysannerie, du patrimoine végétal, etc... Il révélera les projets machiavéliques du Makhzen qui a privé ses populations de l'eau à Zagora, pour cultiver des produits à destination de l'Europe. Il annoncera également ce projet de délocalisation vers le Maroc, de la culture de l'avocat cultivé en Israël dans les prochains mois. Et de conclure que «nous devons repenser notre stratégie d'exportation... Car, nous avons de très bons produits». L'intervention de l'ancien ministre de l'Agriculture a suscité autant de débats que d'intérêt. En trois points, il validera l'approche du président de la République en matière de développement agricole et rural. Il appellera, tout d'abord, à inverser les paradigmes, considérant «qu'il s'agit là d'une question centrale». Il commencera pas l'économie de la connaissance, la base politique et la mise en place d'un nouveau modèle de croissance. Benaïssa fustigera également l'éclatement des conseils interprofessionnels qui sont, selon lui, le maillon fort dans la prise de décision de toutes les opérations engageant le secteur agricole. «Quand ces conseils sont absents, tout comme l'Oaic, qui est un organe de coordination et non une entreprise, c'est quelqu'un d'autre qui va prendre la décision, qui ne sera pas rationnelle ou réfléchie», dira-t-il et d'appeler à «la rupture avec mes méthodes qui n'ont pas réussi». L'ancien ministre disséquera, par la suite, les problèmes inhérents aux crédits bancaires, la solvabilité des fellahs, dont les céréaliers, les dysfonctionnements liés aux assurances, l'absence d'instruments de régulation rofessionnelle, dont les conseils interprofessionnels, les coopératives, etc.... «Les moyens du progrès sont là, il fait juste les saisir», dira-t-il.