Quand le flegme d'Ouyahia dérange les plans des «alliés». Il y a des étés politiquement corrects et d'autres qui sont politiquement pourris. C'est le cas de cet été 2006. Sur la toile de fond de révision de la Constitution, chacun y va de sa motion, de son interprétation ou de sa mouture et c'est l'Alliance présidentielle, plus que jamais déchirée, qui montre le plus d'empressement à étaler son linge sale. La polémique autour de la fausse-vraie rencontre entre Ouyahia et Soltani continue de défrayer la chronique et de susciter des interrogations dans les coulisses des deux partis sur les dessous cachés de cette affaire. Un dîner pris par les deux leaders de partis se prête-t-il à une lecture autre que conviviale, comme a tenu à le souligner le président du MSP? De la part de Ouyahia, c'est: «Cachez-moi ce sein que je ne saurais voir», c'est-à-dire dénégation sur toute la ligne. De la part de Soltani, l'événement doit être exploité pour en retirer les dividendes politiques. C'est que Ouyahia, pas rancunier pour un sou mais garde trace sur ses tablettes des gracieusetés qu'on lui a faites, reste sur les déclarations tonitruantes de Soltani et des autres ténors du MSP, réclamant un gouvernement neutre en vue des législatives de 2007, l'ex-chef du RND traînant toujours, à tort ou à raison, la casserole de fraudeur. Quant à Soltani, il veut rattraper le coup, ayant senti qu'il a été floué par Abdelaziz Belkhadem sur le même sujet: le SG du FLN aurait utilisé la naïveté du MSP pour tirer la couverture à lui et récupérer sur un plateau d'argent la chefferie du gouvernement. Le citoyen lambda a lui l'impression d'être mené en bateau, et qu'il assiste à une bagarre des chefs et de chapelles à laquelle il est étranger, du fait que ce qui l'intéresse lui c'est de savoir s'il y aura oui ou non une augmentation des salaires en été, soit avant septembre, ou si tout cela n‘est une fois de plus qu'un écran de fumée destiné à émousser sa combativité et ses revendications socio-syndicales. Essayons de savoir ce qui se passe en arrière-fond: la démission de Ouyahia a été interprétée par de nombreux observateurs comme une recomposition du champ politique en faveur du camp islamo-baathiste. Deux bémols sont néanmoins venus mettre un peu d'eau dans le petit-lait de cette assertion. D'abord Ouyahia continue, imperturbable, d'affirmer son soutien indéfectible au programme du président de la République. Et pan! Et ensuite, Boudjerra Soltani a rué dans les brancards, n'hésitant pas à afficher sa déception face à la tournure prise par la succession à la tête de l'Exécutif : il tient toujours lui à marquer sa différence et à faire part de son idée d'un gouvernement de technocrates. En dehors de cette histoire de rencontre entre les deux leaders du RND et du MSP, on aura eu aussi l'épisode de la réunion des groupes parlementaires de l'alliance présidentielle, superbement ignorée par Ouyahia et Soltani, et dont le SG du FLN Abdelaziz Belkhadem a minimisé la portée. Et voilà, qu'on le veuille ou non, ce sont les faits et gestes de l'alliance présidentielle qui tiennent le haut du pavé. L'opposition chloroformée attend sans doute l'ouverture de la campagne électorale des législatives pour se manifester.Il faut dire qu'elle n'a pas tellement le choix, du fait de la fermeture des médias lourds, mais l'excuse n'est recevable qu'à moitié. Il est toujours possible d'activer, de contester dans le fond et la forme l'action du gouvernement, tout en faisant des contre-propositions. Il existe bien une presse privée indépendante qui ne cesse de harceler les partis politiques pour leur arracher des réactions sur les questions d'actualité, sans y parvenir toujours. Les états-majors sont avares de commentaires. C'est le moins qu'on puisse dire. Donc, s'il y a erreur de casting c'est bien à ce niveau qu'elle se situe. Restent maintenant des partis importants comme El Islah ou le PT. Les deux formations, qui sont représentées au Parlement et font ce qu'elles peuvent pour animer la scène politique, sont confrontées depuis quelques jours à des tracas judiciaires qui en disent long sur les intentions du pouvoir de régenter l'activité politique dans le pays. Ceux qui gênent sont sommés de se taire.