Documentaire, musique et danse. Rencontre entre l'Orient et l'Occident . Que de beaux ingrédients qui ont fait la richesse de la journée de vendredi dernier. On a eu chaud vendredi dernier! Et pour cause, changement de programme à la dernière minute, intervertion de deux films et puis la cerise sur le gâteau, le concert de Soap Kills ou Saboon avec la sensuelle artiste Karima Nayt. Reste que tout est rentré dans l'ordre. N'est-ce pas l'essentiel? Alors finalement ,on commence par la projection du documentaire d'Elisabeth Leuvrey, La Traversée, à la filmothèque Mohamed-Zinet. Comme son nom l'indique, le film retrace en réalité non une traversée en singulier donc, mais plutôt 20 traversées que la réalisatrice a effectuées entre Alger et Marseille. L'objectif? Rendre compte du «tiraillement» de ces gens qui vivent entre les deux pays, les deux mondes, ces Algériens qui ont un pied ici et un autre là-bas. Pour schématiser, un personnage truculent à la destinée atypique résume bien cette situation en inventant un joli concept, celui du troisième monde. Sur le bord du bateau, au gré de ces voyages, on tue le temps à coups de conversation. Des Algériens vivant en France qui retournent au pays et d'autres qui aspirent à y rester, d'autres non, et d'autres encore, ballottés comme des marins, des trabendistes, sans doute. Et ça parle. Cela semble anodin et pourtant...Le film bute inévitablement sur des clichés déjà esquissés. On parle d'intégration, de respect de la République française, du désir de retourner en Algérie pour mourir, du manque de rapports chaleureux en France, de «il est temps à notre tour, de coloniser la France..» et ce, malgré cette phrase assassine: «Les Algériens aiment la France, mais ce n'est pas sûr que la France aime les Algériens.» Et si on posait la question à sarkozy? On verra ce qu'il pourra nous dire justement sur le sort des immigrés. Alors le vivre ensemble, thème cher à ces rencontres justement, se verra assurément ici, ébranlé. Aussi, le film rend compte en partie de ces Algériens qui font les yeux doux à la France, tout en ayant ce petit pincement au coeur, un je-ne sais-quoi de scrupule et de culpabilité envers leur pays,....Tiens tiens, on se demande bien pourquoi! D'autres se réclament d'être français. On pourra toujours s'esclaffer, des petites maladresses langagières de certains de ces Algériens analphabètes mais qui n'en demeurent pas moins attachants car témoignant de l'authenticité même de ces gens, le hic réside dans ce discours pathétique largement tartiné et qui développe ou projette indirectement cette image de l'Algérien, éternel colonisé. Certains donnent leur avis, tandis que la caméra change de cap et bifurque vers d'autres horizons. Chut, silence, on dort. D'autres font la fête en boîte. Et d'autres encore se confient, racontent leur épopée... Enfin, le second film projeté cette fois à la salle Ibn Zeydoun -on ne l'attendait plus- est celui de Karim Moussaoui, intitulé Ce qu'on doit faire. Produit par l'association Chrysalide, le film raconte en 22 minutes l'histoire de Hakim 30 ans, solitaire, blasé. Un soir, il se fait suivre à la sortie d'un bar par un homme chauve. Hakim le malmène. Une fois chez lui, il repense à l'homme laissé par terre. Il décide alors d'aller à sa recherche dans les hôpitaux où il fait une rencontre inattendue...On évoque le nom d'une secte. Surprise. Scène d'un groupe en train de prier...Pourquoi se prend-on la tête? Entre amertume et désespoir, le film nous enseigne paradoxalement la sagesse. Original de par sa musique, ses plans séquences et surtout par son intrigue à l'américaine, Ce qu'on doit faire l'est encore plus par l'emploi de ce langage même « fleuri » qui n'en demeure pas moins réaliste et pour une fois crédible. Les jeunes d'aujourd'hui s y reconnaîtront. Enfin, place au plaisir des sens. Plus particulièrement de l'ouïe. Après la projo, tous les yeux sont braqués sur la jolie Karima Nayt, cheveux bouclés au vent, pieds nus comme tout droit sortie de Notre Dame de Paris. Elle est accompagnée sur scène de deux musiciens. Un guitariste et claviériste Zied Hamdan, un flûtiste Bachir Sade et à la manipulation de la programmation électronique, à la régie, par François Cumin. Karima chante de grands standards de la musique arabe, Ismahan, Fayrouz...sur fond de musique de transe. Sa voix cristalline s'étend jusqu'au ciel tandis que son corps de rêve esquisse des mouvements de chorégraphie tantôt arabe tantôt moderne, contemporaine laissant le public aussitôt sous le charme. Alors, quand Karima lui demande de se lever pour danser, il n y a pas à le demander deux fois. Et hop! Le bas de la scène se remplit à vue d'oeil. Karima lui demande après de monter sur scène pour achever cette fête en beauté. Exécution immédiate. On y danse et on s'éclate à perdre haleine! Certains n'osent pas quitter leur chaise mais ne feront que bouger au gré de cette cadence électro- arabe. C'est pas pour rien que Karima Nayt est devenue danseuse étoile da la compagnie danse- théâtre de l'opéra du Caire. Sans compter sa voix extraordinaire. Un talent certain qui fut révélé grâce au compositeur et musicien Fathy Salama. Soap Kills, un groupe qui, de par sa fusion, a su incarner cette dualité ou cette rencontre avec l'autre. Avec ce mélange de styles et de nationalités, c'est en effet un bel exemple du vivre Ensemble!