Les ruraux sont malmenés par les groupes armés. De la petite Suisse qu'elle était au plus fort du terrorisme des années 90, la région de Kabylie est devenue, ces dernières années, un terrain où se multiplient les actes de meurtre, de vol et d'agression. Un constat unanimement partagé par les citoyens que nous avons pu interroger hier à ce sujet. L'enlèvement d'un entrepreneur de travaux publics à Tizi Ouzou et deux autres cas non médiatisés, à Béjaïa, et la réclamation des auteurs des rapts d'une rançon étaient deux événements qui ont amplifié l'inquiétude chez aussi bien le simple citoyen que le plus nanti. L'évolution dangereuse des kidnappings s'ajoute comme une chose de trop aux actes de vol, d'agression et de cambriolage qui minent la vie quotidienne des habitants. «Même si l'insécurité existait bien avant les événements du Printemps noir, force est de constater qu'elle a connu, depuis, une sérieuse recrudescence», commente un jeune qui souligne, dans sa tentative de mettre la situation sur le compte du terrorisme, que «la situation d'insécurité qui règne depuis 2001 en Kabylie a été une aubaine pour les groupes armés qui dressent des faux barrages en toute quiétude sur certains axes routiers». Il fera part, cependant, de son inquiétude face à la dégradation de la situation. «Le banditisme s'est greffé au fléau terroriste profitant de l'absence des services de sécurité», commente un autre qui estime que «ce soit en zones urbaines ou rurales le risque est le même», une façon à lui d'expliquer que «la délocalisation des dizaines de brigades de gendarmerie n'est pas le seul facteur qui a aggravé la situation». «Si!», répond un autre. «Le départ des brigades de gendarmes de certaines communes de Kabylie a été une aubaine pour les dealers et les malfrats de tous bords, d'accroître leurs forces de nuisance et d'agir en toute tranquillité». Une discussion contradictoire comme on peut en entendre dans chaque coin de rue en Kabylie. «Des communes sont dépourvues de tout corps de sécurité et cela n'a jamais généré une quelconque hausse d'actes de violence et d'insécurité au point de croire à son existence», rétorque un autre. Les ruraux, déjà malmenés par les groupes armés estiment en substance que «le départ des gendarmes depuis 2002 a favorisé l'insécurité en permettant l'amplification des actes de délinquance». Face à la situation, les citoyens se retrouvent souvent devant un vrai dilemme. Revendiquer plus de sécurité au risque de tomber en faux avec les engagements politiques passés. Cautionner la situation, c'est aussi contribuer à sa dégradation. Mais Ali, commerçant de son état, soutient que «le renforcement de la sécurité n'est pas forcement demander le retour des gendarmes». Lui et beaucoup d'autres citoyens réfléchissent désormais d'une façon moderne. «Nous payons nos impôts pour vivre en sécurité». Une conviction qu'ils partagent sans s'encombrer de la nature de celui qui l'assurera. L'insécurité est une réalité en Kabylie inquiétant de larges pans de la société. On cache les signes extérieurs de richesse, on s'aventure moins. Autant d'éléments qui font ressortir cet état d'inquiétude chez le commun des mortels.