Bush aura à s'expliquer sur les détenus de la base américaine maintenus sans jugement et aussi sur la crise du nucléaire iranien. Wolfgang Schùssel, chancelier autrichien -l'Autriche assumant la présidence tournante de l'UE jusqu'au 30 juin prochain- a donné lundi le ton en déclarant à Bruxelles devant les eurodéputés -à propos du cas de la base de Guantanamo «On ne peut pas avoir un lieu où la loi ne s'applique pas», mettant ainsi, d'emblée au coeur du rendez-vous américano-européen, la question controversée de la prison de Guantanamo où sont détenues environ 460 personnes arrêtées pour la plupart en 2001 lors de la guerre d'Afghanistan et restées depuis sans jugement. Arrivé mardi dans la capitale autrichienne, Vienne, le président américain, George W. Bush doit prendre part à un sommet euro-américain qui sera marqué, en outre, par la crise du nucléaire iranien de même que par le scandale des «prisons» de la CIA dans certains pays européens, de même que l'utilisation qu'aurait fait l'agence américaine de renseignement des aéroports européens pour le transfert secret de prisonniers. Interpellé par les eurodéputés sur ce chapitre, M.Schùssel a affirmé que l'affaire des présumés «vols secrets» de la CIA en Europe transportant des prisonniers serait évoquée, indiquant «On ne peut pas permettre que des gens soient enlevés de cette manière et transférés vers des centres de détention secrets. Cela doit être dit». Il est vrai que les dirigeants européens -mis en demeure par les organisations de défense des droits de l'homme- ne pouvaient faire autrement qu'interpeller, à leur tour, leur illustre hôte américain. Celui-ci, selon des sources de la Maison-Blanche, redira à ses homologues européens qu'il «aimerait fermer» Guantanamo, mais attend que la Cour suprême des Etats-Unis «statue sur la possibilité de déférer les prisonniers devant des tribunaux militaires». Ayant défrayé la chronique ces derniers mois, Guantanamo est devenue un abcès de fixation dans les relations internationales d'autant plus que des «incidents» pas trop catholiques s'y sont déroulés ces derniers mois avec notamment des grèves de la faim des prisonniers qui accusaient leurs geôliers de les torturer, de maintenir des détenus au secret, comme de détenir des mineurs -qui avaient moins de quinze ans à l'époque de leur arrestation en 2001- ou le refus de l'administration américaine à la visite de la base incriminée par des inspecteurs de l'ONU et d'envoyés d'ONG humanitaires avec pour comble le « suicide» la semaine dernière de trois prisonniers (deux Saoudiens et un Yéménite) qui ajoute aux mystères qui entourent la base de Guantanamo (base située à Cuba). Dans ce contexte marqué par les interrogations que suscitent Guantanamo et la maltraitance des droits de l'homme de la part des Etats-Unis, sous prétexte de lutte contre le terrorisme, le président de la Commission européenne, le Portugais, José Manuel Durao Barroso a mis hier en garde, déclarant dans une interview au quotidien américain International Herald Tribune, paru quelques heures avant l'ouverture du sommet UE-USA, que l'Occident risquait de «perdre son âme» dans la guerre contre le terrorisme indiquant: «Nous sommes engagés dans la lutte contre le terrorisme, mais si nous supprimons les droits civiques et les libertés civiques parce que nous luttons contre le terrorisme, alors ce serait une victoire pour les terroristes». Le second point qu'aborde le sommet, qui fera sans doute le consensus entre Européens et Américains, concerne la crise du nucléaire iranien et la manière avec laquelle l'Occident compte amener Téhéran à renoncer à son droit indiscutable à l'enrichissement de l'uranium comme l'y autorise le protocole du TNP (Traité de non-prolifération nucléaire placé sous l'égide de l'ONU). C'est à ce droit que l'Iran n'entend pas renoncer quoique Téhéran se dit rester ouverte à toute proposition pertinente permettant une solution équilibrée à la crise actuelle. Le 6 juin dernier les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Russie et Chine) plus l'Allemagne ont fait parvenir à Téhéran des propositions qui doivent, selon ses concepteurs, ouvrir la voie à une solution à une crise qui dure depuis plus de trois années. Mais par divers canaux, officiels et officieux, l'Iran a réitéré, ces derniers jours, qu'il n'était pas question pour lui de renoncer à ses droits face à la pression de l'Occident. Mardi, le chef de la diplomatie iranienne, Manouchehr Mottaki, tout en se voulant optimiste, n'en a pas moins réaffirmé la position traditionnelle de son pays, indiquant, d'autre part, que Téhéran n'a toujours pas arrêté sa décision concernant la proposition des 5+1 remise le 6 juin par Javier Solana, Haut représentant de la politique étrangère de l'UE. Ce même jour, Washington, le plus déterminé à faire renoncer l'Iran à l'enrichissement, a encore agité la menace de sanctions contre l'Iran. Notons que l'UE, jusqu'ici opposée à des sanctions, s'est quelque peu rapprochée de la position défendue par les Américains par la crainte que le programme nucléaire iranien ne débouche sur la fabrication de la bombe atomique, ce que l'Iran a toujours nié, affirmant que son programme est un programme nucléaire civil et le demeurerait.