La grève de 24 heures à laquelle a appelé la puissante centrale syndicale tunisienne (UGTT) a paralysé le pays, jeudi dernier, avec de nombreuses activités gelées dans le secteur public et des vols annulés dans plusieurs aéroports, notamment celui de la capitale. De fait, la pression s'est manifestement accrue sur le président Kaïs Saïed qui doit faire face, en outre, à une situation de crise multiforme alors que le FMI traîne les pieds pour consentir un prêt conditionné à toute une série de réformes controversées. Le mouvement a été largement suivi partout dans le pays puisqu'ils ont été quelque 3 millions de travailleurs à répondre à l'appel de l'UGTT et à paralyser ainsi pas moins de 159 entreprises publiques. Le chef de la centrale, Nourreddine Taboubi dont la toute dernière rencontre avec le chef de l'Etat s'était soldée par un échec quant aux principales revendications posées depuis des mois, a salué la participation qu'il a évaluée à hauteur de 96,22% lors d'un discours enflammé devant des centaines de militants présents au siège de l'UGTT, à Tunis. L'indice le plus probant de ce succès est apparu avec l'annulation de l'ensemble des vols de Tunisair et la paralysie de certaines prestations aéroportuaires par son personnel au sol. De leur côté, la Poste, les Télécoms, les régies publiques d'électricité, de gaz et d'eau ont été également de la partie à l'instar de multiples autres services publics, notamment dans les transports en commun. Les trains, les tramways et les autobus sont restés immobilisés au grand désarroi de milliers d'usagers. Taboubi a affirmé que ce débrayage résulte d'un échec dans les négociations salariales avec le gouvernement nommé par le président Kaïs Saïed, tout en dénonçant une «intransigeance qui sème la zizanie et répande de fausses informations». Comme il a accusé ouvertement des «mercenaires à la solde du pouvoir» chargés, selon lui, d'orchestrer des campagnes calomnieuses pour diaboliser et harceler les responsables de l'UGTT. Parmi les revendications de la Centrale, figurent principalement l'exigence de nouveaux accords salariaux afin de rattraper le différentiel du pouvoir d'achat pour les années 2022 et 2023 et un effet rétroactif pour 2021. Une condition difficile à mettre en oeuvre dans la mesure où la Tunisie est presque en cessation de paiements et doit faire face à une crise financière aiguë qu'aggrave de jour en jour une crise politique tout aussi cruciale. Outre cela, l'UGTT réclame l'annulation d'une décision gouvernementale excluant toute discussion sectorielle avec le syndicat sans l'accord préalable du chef du gouvernement. Taboubi estime que son organisation ne réclame pas une hausse des salaires, mais seulement un réajustement du pouvoir d'achat fortement dégradé par une inflation galopante. Et il prévient que la fronde syndicale ne cessera qu'avec la satisfaction de cette revendication minimale. Pour le président Kaïs Saïed qui fait face à de nombreuses et intenses critiques de l'opposition, toutes tendances confondues, cette grève sonne comme un avertissement dans la mesure où l'UGTT a déjà refusé de participer au dialogue politique mené autour du référendum du 25 juillet pour une nouvelle Constitution. «Nous ne pensons pas que ce dialogue va sortir la Tunisie de sa crise», martèle Taboubi qui ne veut pas que l'UGTT serve de «caution au président Saïed ou à un quelconque parti politique».