De Tunis, Mohamed Kettou On le prévoyait bien avant le 25 juillet. En prenant sa décision de geler les travaux du Parlement pour légiférer par décrets présidentiels, le chef de l'Etat Kaïs Saïed s'est trouvé en face d'une opposition qui a, de ce fait, perdu tous ses privilèges. Il s'agit du parti islamiste Ennahdha de Rached Ghannouchi, de son satellite, Coalition d'el Karama et de son acolyte Kalb Tounes conduit par le magnat de la presse, Nabil Karoui. C'était la réaction, du reste, «légitime» face à ces trois partis qui faisaient la pluie et le beau temps, plutôt la pluie dans une Tunisie en régression continue depuis 2011. Ce camp anti- Saïed vient d'être rejoint par la centrale syndicale (UGTT) qui, le 25 juillet, avait soutenu, sans réserve, le chef de l'Etat. En effet, par la voix de son secrétaire général, Noureddine Taboubi, la centrale syndicale, qui affirme se démarquer de tous les partis politiques, a annoncé qu'elle a décidé d'emprunter une troisième voie sans aucun lien avec la période «anté ou post-25 juillet». Ainsi, se sentant aussi fort que Kaïs Saïed (en légitimité populaire), Taboubi a osé le défier et siffler la fin de la récréation. Taboubi veut un dialogue inclusif Aussi, a-t-il affiché son hostilité au Président et sa détermination à aller à un dialogue inclusif, contrairement à l'orientation du chef de l'Etat vers un dialogue sélectif. De plus, il a affirmé que son organisation est farouchement opposée au pouvoir personnel. Dépité, Taboubi a précisé, sans se tromper d'ailleurs, que «la Tunisie traverse une phase dont on ne connaît pas l'issue». En fait, il faisait allusion à la lenteur manifestée par la présidence de la République dans le traitement des problèmes quotidiens qui accentuent les souffrances de la population. Sans entrer dans les détails du plan de Taboubi, ce dernier avance une proposition qu'il oppose au projet de Kaïs Saïed quant au dialogue qui pourrait faire sortir le pays de l'ornière. Ainsi, Taboubi insiste sur le recours à un dialogue qui réunit toutes les parties agissant sur la scène politique sans exclusion. De son côté, son prédécesseur, Abbassi, considère que Taboubi a trouvé les solutions idoines pour sortir le pays de la crise qui le paralyse, sans pour autant qu'il soit écouté par une partie qu'il n'a pas nommée clairement, faisant seulement allusion au président de la République. Cependant, ceux qui suivent de près les déclarations des hauts responsables de la centrale syndicale ne manquent pas de relever le hiatus qui caractérise leur contenu. Quand le patron du syndicat affirme s'éloigner des options du Président Kaïs Saïed, son adjoint Sami Tahri apporte son soutien au président de la République et cautionne ses orientations en estimant que les mesures prises par le chef de l'Etat sont à même de sauver le pays. Pour peu qu'elles soient mises en exécution dans les meilleurs délais. Deux options exprimées par deux hauts dirigeants du syndicat qui ne font que brouiller les pistes et ajoutent à l'inquiétude de la population. Cependant, au mécontentement de la centrale syndicale, s'ajoute celui du parti Ach-chaâb dont les dirigeants se sont réunis, ce samedi, avec des responsables du syndicat pour coordonner leurs positions quant à l'attitude à observer face à Kaïs Saïed. D'autant plus que le chef de l'Etat ne se presse pas pour imposer des mesures concrètes qui amélioreraient les conditions de vie des citoyens. M. K.