L'administration américaine a dit mercredi dernier oeuvrer à un rapprochement entre des pays arabes et l'Etat hébreu, en promettant des «choses intéressantes» lors de la visite du président Joe Biden mi-juillet en Israël puis en Arabie saoudite. Les regards se tournent vers le royaume, où le prince héritier Mohammed ben Salmane multiplie les signes d'ouverture, sans que cela présage une normalisation imminente des relations, estiment les experts. En mars dernier, dans un entretien au journal américain The Atlantic, le prince et dirigeant de facto du pays a parlé de l'entité sioniste comme d'un «allié potentiel», soulignant des intérêts communs entre les deux Etats. En septembre 2020, l'Arabie saoudite, chef de file des monarchies du Golfe, n'avait pas manifesté d'opposition lorsque les Emirats arabes unis étaient devenus le premier pays du Golfe -le troisième dans le monde arabe, après l'Egypte et la Jordanie- à reconnaître l l'Etat hébreu dans le cadre des «accords d'Abraham», suivis par Bahreïn, le Maroc et le Soudan. Le royaume saoudien avait alors indiqué qu'il ouvrait son espace aérien à tous les vols de et vers les Emirats arabes unis, y compris aux avions israéliens. Le mois prochain, le président Biden arrivera dans la ville saoudienne de Jeddah par un vol direct en provenance d'Israël, une première présentée comme une avancée historique par la Maison-Blanche. Autre signe d'évolution, sur les réseaux sociaux, soumis à une surveillance stricte, des internautes saoudiens défendent désormais l'idée d'une «paix» avec l'entité sioniste, du jamais-vu en Arabie saoudite. Au début du mois, le journal saoudien Arab News a réalisé un entretien avec le ministre sioniste de la Coopération régionale, Essaoui Frej, qui a souligné que Riyadh serait au «centre» de toute solution du conflit israélo-palestinien. Pour la chercheuse Yasmine Farouk, du Carnegie Endowment for International Peace, la normalisation des relations serait vue d'un bon oeil par l'opinion publique en Occident. Cela «ouvrirait des portes au prince héritier et l'Occident accordera à l'Arabie saoudite un rôle plus grand non seulement sur le plan régional mais international». Pour l'entité sioniste, cela ne lui «ouvrirait pas seulement la porte de l'Arabie, mais celle de tous les pays (arabes et musulmans) qui pourraient déjà avoir engagé des discussions secrètes mais n'ont pas encore normalisé» leurs relations avec l'Etat hébreu. Sollicités, des responsable saoudiens n'ont pas souhaité s'exprimer sur cette question jugée «sensible». L'Arabie veut pouvoir davantage compter sur Israël pour s'opposer à la réactivation de l'accord nucléaire entre les Occidentaux et la République islamique d'Iran que «les deux considèrent comme une menace pour leur sécurité». Yasmine Farouk estime qu'il y aura peut-être une «certaine forme de relations» mais il est peu probable que, sous le règne du roi Salmane, le pays aille aussi loin que les Emirats arabes unis ou Bahreïn. Le souverain, âgé de 86 ans, a toujours affirmé que le royaume ne normaliserait ses relations avec Israël qu'après la création d'un Etat palestinien ayant El Qods-Est pour capitale, une perspective qui, en l'état actuel des choses, semble lointaine. Pour Kristian Ulrichsen, de l'Institut Baker de l'Université Rice, l'établissement de relations diplomatiques et politiques entre les deux pays n'aura lieu que lorsque Mohammed Ben Salmane deviendra roi. En attendant, l'approche consiste à répandre «l'idée que les deux pays ne sont pas des ennemis et qu'ils partagent des intérêts régionaux et géopolitiques.»