Dans la longue histoire de la décolonisation, la guerre d'Algérie occupe une place prépondérante. Une guerre singulière en raison du rôle qu'a joué le football. Le sport ne peut et ne pourra jamais être dissocié de l'histoire de l'Algérie. Ils sont intimement liés. Cette année, la célébration du 60e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie coïncide avec la tenue de la 19e édition des Jeux méditerranéens qu'abrite la ville d'Oran. Une occasion idoine pour promouvoir l'image du pays à l'échelle internationale. Une promotion entamée, via le sport, durant la guerre de Libération nationale avec la création de la Glorieuse équipe de football du Front de Libération national, un certain 14 avril 1958. Une manière pour le FLN d'accroître sa légitimité internationale. L'idée était de l'ancien milieu de terrain et militant bordelais Mohamed Boumezrag. Les footballeurs devaient devenir les ambassadeurs de la cause algérienne. Alors que le monde avait les yeux braqués sur la Coupe du monde Jules Remy de 1958, en Suède, à laquelle devait prendre part Rachid Mekhloufi sous les couleurs de la France, le FLN exhorta les joueurs algériens évoluant à l'étranger de rejoindre la lutte armée. Et ils étaient nombreux. Le défenseur de charme de l'AS Monaco, feu Mustapha Zitouni, et l'attaquant «qui avait les yeux derrière la tête», Rachid Mekhloufi pensionnaire de l'AS Saint-Etienne. Deux éléments ayant porté les couleurs de l'Equipe de France et ayant contribué grandement à sa qualification pour ladite édition du Mondial. Convaincu que le sport peut être un vecteur de propagande, le Front de Libération national décida de contre-attaquer. C'est ainsi que, de retour des Jeux de l'amitié organisés à Moscou (Urss), Mohamed Boumezrag, latéral droit des Girondins de Bordeaux et directeur de la sous-division régionale algérienne de la Fédération française de football, a eu la géniale idée de mettre en place une équipe de football en rassemblant les joueurs algériens évoluant en France, dans le seul objectif de faire connaître la cause algérienne et le dur combat mené par les moudjahidine. L'enfant de Chlef n'a informé que ses deux lieutenants, Mokhtar Aribi et Abdelaziz Bentifour. Dans la discrétion totale, ils ont pris attache avec les joueurs algériens évoluant dans le championnat français, en les enjoignant de « déserter» leurs clubs et de se rendre à Tunis pour s'«enrôler» dans les rangs de l'Equipe du FLN. Le choix de Tunis s'expliquait par l'attitude du président tunisien Habib Bourguiba, qui vantait la fraternité panarabe. Dans son livre intitulé Droit d'évocation et de souvenance sur le 17 octobre 1961 à Paris, en page 530, le moudjahid Mohamed Ghafir, dit Moh Clichy, a rappelé plusieurs faits marquants, notamment le premier match de cette équipe. Cela avait eu lieu au stade Zouiten avec un tournoi baptisé au nom d'une icône de la guerre de libération algérienne, Djamila Bouhired. Même le choix de la date n'est pas fortuit, puisqu'il a été organisé le 8 mai 1958. Une date qui coïncide avec la célébration du 13e anniversaire des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata. Dans le premier match, l'Algérie a battu le Maroc (2-1) avant d'étriller la Tunisie (6-1). Un fait historique a marqué cette équipe volontaire. L'entraîneur du Real Madrid, Alfredo Di Stéfano, avait approché Mustapha Zitouni pour le recruter et le convaincre de jouer pour «la meilleure équipe du monde». Zitouni répliquera ainsi: «Ne vous en faites pas, je vais jouer bientôt dans la meilleure équipe au monde, celle du FLN», lit-on dans le même livre. Dans cet ouvrage, l'on a rappelé que 30 joueurs de 14 clubs français ont rejoint Tunis par groupes entre 1958 et 1961. «Un seul joueur de Annaba, Ali Doudou, a rejoint l'équipe du FLN à Tunis», lit-on encore. Cette équipe servira de porte-voix au Gouvernement provisoire de la République algérienne, devenant un outil de propagande, avec l'occasion de populariser l'insurrection algérienne partout dans le monde. Les tentatives des Français de l'en dissuader se sont avérées vaines, et même sa non-reconnaissance au niveau de la toute puissante FIFA, sous la pression des Français, n'a pas diminué la volonté des joueurs. Au total, cette équipe a disputé 58 matchs, avec un bilan de 44 victoires, 10 matchs nuls et 4 défaites, avec des déplacements dans différentes capitales du monde. De Tunis à Pékin, en passant par Belgrade, Hanoï, Tripoli, Rabat, Prague, Damas...etc. Les «Ambassadeurs» algériens ont été accueillis en grande pompe aussi bien par Zhou Enlai, que Ho Chi Minh et le général Giap, qui avait vaincu les Français à Dien Bien Phu. Une manière de lancer une offensive diplomatique contre l'occupant français. Estimer l'impact que la tournée de l'équipe du FLN a eu sur la guerre d'Algérie est une tâche difficile. En effet, c'est sur un terrain de football que l'Hymne national retentit pour la première fois. C'est sur un terrain de football que le drapeau algérien est devenu familier. C'est sur un terrain de football que les membres du FLN rencontraient les représentants des pays avec lesquels ils allaient s'allier après l'indépendance et c'est sur un terrain de football que le style offensif et courageux garantissait ces victoires qui symbolisaient le succès inéluctable de la révolution. En somme, le FLN s'est inspiré du baron von Clausewitz qui soulignait que «la guerre n'est rien que la continuation de la politique par d'autres moyens». L'Equipe du FLN a prouvé que « le football l'est aussi».