Les nouvelles missions dévolues à l'institution militaire lui dictent d'être plus technique, moins politique. Le discours que va très certainement prononcer, aujourd'hui, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, au siège du ministère de la Défense nationale, va tracer les grandes lignes de conduite de l'institution militaire pour les années à venir. Selon des sources dignes de foi, d'importantes décisions sont prises au sein de l'état-major de l'armée, et qui mettront à la retraite des officiers de haut rang au sein de l'ANP, touchés par les nouvelles mesures internes, publiées au Journal Officiel, et applicables depuis un mois, lesquelles mettent à la retraite d'office les officiers touchés par la limite d'âge dans le grade et largement sexagénaires, pour la suite des missions dont est investie désormais l'ANP. D'autres décisions vont permettre l'émergence de nouveaux officiers supérieurs, «technocrates», moins politisés que leurs aînés et qui accompagneront les nouvelles mutations de l'institution militaire. Ces jeunes officiers, qui ont été pendant longtemps bloqués dans leurs grades et leurs fonctions subalternes et qui, ont fait les écoles russes et occidentales, seront les principaux meneurs de l'action militaire, amarrée depuis 2001 à la stratégie méditerranéenne de l'Otan, au dialogue euro-magrébin, aux soucis américains de contrôler le trafic des navires marchands, mais surtout aux ambitions affichées par l'état-major de l'armée: devenir une puissance militaire régionale apte à être investie de missions humanitaires et de maintien de la paix. Il y a une semaine, lors de la parade militaire, organisée à l'occasion des sorties de promotions de l'Académie de Cherchell, le chef d'état-major, Ahmed Gaïd Saleh affirmait: «Nous voulons donner corps aux ambitions de l'ANP, de façon à lui permettre l'accomplissement idéal de sa mission constitutionnelle, qui est essentiellement la protection de l'intégrité territoriale et de l'unité nationale, conformément aux directives du président de la République, dans le cadre de la réforme globale.» Il a aussi rappelé la promulgation du statut du personnel militaire qui est, a-t-il précisé, un des principaux acquis qui auront un impact clair sur l'évolution de l'ANP. Atteint lui-même par la limite d'âge, le chef d'état-major Ahmed Gaïd Salah, continuera, cependant, à assumer ses fonctions de patron de l'armée algérienne, jouissant d'une confiance rarement égalée auparavant entre un président de la République et son chef militaire. En sa qualité de chef suprême des armées et de ministre de la Défense nationale, Bouteflika a remodelé totalement l'institution militaire, l'écartant, jour après jour, des implications politiques, la dotant de moyens humains et logistiques à la mesure de ses ambitions (le contrat d'armement avec la Russie a été qualifié de «contrat du siècle» tout en lui permettant de devenir la première force militaire régionale) et l'amarrant aux forces militaires étrangères (Otan, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, etc.). Les exercices militaires, terrestres et navals, qui se sont déroulés aussi bien au Sahara qu'en Méditerranée, ont permis à l'armée algérienne de mieux maîtriser la surveillance, le survol, le contrôle, l'interception, la communication maritime, en plus de lui avoir donné les moyens d'interopérabilité avec des «forces amies». S'il s'en trouve aujourd'hui des nostalgiques d'une armée totalement impliquée, mieux, gestionnaire, dans la vie politique algérienne, c'est encore tant pis pour les évolutions militaires modernes et les libertés écornées.Cependant, il reste à dire que le retrait de l'ANP de la vie politique et son accostage à l'action stratégique de l'Otan et des forces multinationales ont été une bénédiction pour elle. Avec ceci en bonus: elle est passée en moins de six ans, de statut d'armée «infréquentable», à celui d'institution militaire en plein essor, courtisée par les puissances occidentales et qui s'inscrit dans une logique moderne d'évolution.