La rumeur insistante qui a fait récemment état de la libération “imminente” du numéro deux du FIS dissous, Ali Benhadj, par le président Bouteflika, s'avère finalement fondée. Et pour cause, le fameux émissaire qui a été dépêché chez Ali Benhadj pour lui proposer le “deal” comme l'a révélé, à juste titre, Ali Yahia vient d'être suspendu de ses fonctions par sa hiérarchie. Il s'agit en fait d'un procureur du ministère de la Défense, investi d'une mission d'inspection de la prison militaire de Blida, qui a été trop loin en jouant le “médiateur” entre Benhadj et Bouteflika, à la demande de la présidence. À l'évidence, ce procureur a outrepassé gravement sa mission en lui donnant une dimension politique que sa tutelle, le ministère de la Défense, a sévèrement réprouvée, via son limogeage. Mais au-delà de cette affaire, force est de relever que l'intention d'élargir le lieutenant de Abassi Madani est bel et bien vérifiée. Et la réaction sèche de l'institution militaire prouve, si besoin est, qu'elle ne cautionne pas une telle initiative ou, tout au moins, ne veut point que l'un de ses fonctionnaires soit mêlé au projet de Abdelaziz Bouteflika. Bien que le procureur concerné nie avoir été chargé de convaincre Ali Benhadj d'accepter sa libération, le fait qu'il n'y ait aucune autre raison de son limogeage et la sanction lourde qui lui a été infligée renseignent sur la gravité de la faute professionnelle qu'il a commise. Et c'en est véritablement une, dans la mesure où le ministère de la Défense nationale s'est toujours défendu d'une ingérence dans la vie politique, à plus forte raison quand il s'agit d'initiatives du président de la République. D'ailleurs, les hauts responsables de l'armée ont, maintes et maintes fois, insisté sur les prérogatives claires que la Constitution confère à l'institution militaire ; façon de mettre le chef de l'Etat devant ses responsabilités dans ses démarches politiques que l'armée ne cautionne pas forcément. Cet “épisode” — encore un — dans les rapports très controversés entre la grande muette et le locataire du palais d'El-Mouradia témoigne assez clairement de ce malaise au sommet dont la presse se fait régulièrement l'écho, mais que les protagonistes démentent à chaque fois. Cependant, les faits sont là, têtus, et les discours lénifiants de circonstance qui tentent d'édulcorer les relations entre les Tagarins et El-Mouradia ne sont que de la poudre aux yeux. Le second mandat auquel Abdelaziz Bouteflika tient absolument — quitte à faire une belle fleur aux islamistes — est au centre de tous les faits et gestes qui font bouger un tant soit peu un débat politique dont l'hibernation se prolonge même après le ramadhan. Depuis quelque temps déjà, l'actualité politique nationale est dominée par ce bras de fer, voire cette guerre larvée entre le Président, à qui on prête l'intention de s'allier avec la mouvance islamistes en prévision du rendez-vous d'avril 2004, et les autres décideurs qui ne veulent plus “jouer” avec cette nébuleuse pour avoir plongé le pays dans le sang, une décennie durant. Une guerre des tranchées qui revient épisodiquement au-devant de la scène et qui a fini par déteindre sur les nombreux chantiers politiques et économiques qui ont bien du mal à démarrer. Ce constat vaut également sur le terrain diplomatique en ce sens que les nombreuses visites de Bouteflika dans les capitales occidentales et les ballets de personnalités étrangers à Alger n'ont rien changé de la perception que l'on se fait de l'Algérie dans la communauté des affaires. Plan de relance économique flou, privatisations annoncées puis évitées…, toutes ces hésitations ne sont pas faites pour convaincre les éventuels investisseurs étrangers qui considèrent plus que jamais que l'absence de lisibilité politique a engendré une panne économique. Le rapport de conjoncture du CNES et l'échec de la mise en concession de la nouvelle aérogare sont à cet égard révélateurs de ces pesanteurs politiques, mais aussi économiques, qui freinent l'essor du pays. Pendant ce temps, la libération de Ali Benhadj tient lieu de débat politique, faute de mieux. H. M.