Son discours aux officiers supérieurs était un clair appel au soutien à sa candidature en 2004. C'est sur une moquette bleue bien astiquée et dans un silence presque religieux que le président de la République a procédé, jeudi, à la cérémonie de remise des grades et des médailles, au siège du ministère de la Défense nationale. L'institution militaire a ainsi renforcé, la veille du 41e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, son encadrement, avec l'arrivée de cinq généraux majors, quatorze généraux et cinq colonels. Abdelaziz Bouteflika a également remis des médailles à un général, trois colonels et un civil, exerçant aux côtés des militaires, Rachid Boukeroun, avant de lire son discours de circonstance. D'emblée, le chef de l'Etat a fait comprendre qu'il s'adressait à toute la nation algérienne, “en particulier à la jeunesse”, en consacrant une large place à la décennie passée et à la crise multidimensionnelle que traverse le pays. “Pendant de longues années, notre pays a souffert de maux divers, dont la précarité sociale, la détresse de larges couches de la population, le désarroi de la jeunesse, victime de l'échec scolaire ou confrontée au chômage et sans perspectives d'avenir”, a-t-il souligné, en s'en prenant aux “démons de la haine et de la division qui ont affaibli la conscience nationale, fissuré la cohésion sociale et ébranlé l'unité nationale”. Bouteflika lancera un clin d'œil à l'armée nationale, en annonçant que cette dernière a “assumé pleinement ses responsabilités historiques, en préservant la sécurité et l'intégrité du territoire, l'unité du peuple et le caractère républicain de nos institutions, tout en sauvegardant le processus démocratique en cours”. Il rendra même hommage aux officiers supérieurs, officiers, sous-officiers et soldats qui, indiquera-t-il, ont “combattu avec courage, énergie et détermination les forces obscurantistes et de destruction, qui ont tenté de s'imposer à la société”. Et il appellera plus loin à “l'éradication” du terrorisme, qu'il jugera “directement responsable de la crise qui a secoué le pays tout entier”, pendant la décennie écoulée. Le discours présidentiel a été compris par des militaires approchés, ayant requis l'anonymat, comme “une réponse” aux interviews accordées dernièrement aux journaux Le Point et Al-Ahram par le général major Mohamed Lamari, voire comme “une demande de soutien” de l'armée, dans la perspective de l'élection de 2004. Bouteflika a d'ailleurs, dans son allocution télévisée, insisté sur le fait qu'il est ministre de la Défense nationale en s'engageant, en sa qualité de “garant de la Constitution”, à défendre “l'honneur” et “l'unité” de l'institution militaire, y compris à l'étranger. Il a loué les vertus de “la paix” et de “la concorde”, en revenant sur les grandes lignes de son programme : réformes de l'appareil judiciaire, du secteur de l'éducation et des structures de l'Etat. “La réalisation de ces trois grands chantiers, a-t-il ajouté, ne peut bien entendu être dissociée de la mise en œuvre de notre politique économique et sociale”. Le président de la République a ensuite souligné que maintenant “l'Algérie a reconquis sa place sur le plan international”, en mettant en avant le rôle qu'il a joué dans le “rayonnement de notre pays à travers le monde”. Il a enfin invité l'armée “à prendre part à notre grande œuvre de rénovation nationale et à y participer, avec une conscience aiguë de ses potentialités et de ses obligations et un sens élevé de son devoir”. On retiendra du discours de jeudi que le premier magistrat du pays s'est, pour la première fois, prononcé pour la construction d'un “Etat fort, démocratique et moderne” qui exigerait, selon lui, “une forte volonté politique” et des dirigeants et du peuple algérien. H. A. Il a dit - Armée nationale : “Quelqu'un a dit : l'armée garde la nation jusqu'au moment où elle la sauve. En vérité, l'armée nationale populaire a sauvé la patrie et la République.” - Terrorisme : “Le terrorisme, directement responsable de la crise qui a secoué le pays tout entier, doit être éradiqué.” - Réformes : “Seules les transformations profondes de nos institutions et de notre société peuvent nous permettre de résoudre les problèmes de fond auxquels notre pays est confronté, qu'il s'agisse des structures et des missions de l'Etat, de la justice, du système éducatif ou de notre organisation économique et sociale.” - Diplomatie : “Chacun peut constater maintenant que l'Algérie a reconquis sa place sur le plan international et qu'elle a repris le rôle qu'elle a toujours joué, notamment en Afrique, dans le monde arabe et en Méditerranée.” - Politique de défense nationale : “Notre politique de défense nationale doit désormais tenir compte des impératifs de la sécurité internationale et, de ce fait, elle est indissociable de notre action diplomatique.” - Rôle du Président : “Vous devez savoir définitivement que le président de la République (est) garant de l'unité de l'Algérie et responsable suprême des grands choix qui engagent le destin de la nation.”