Zizou, c'est le travail, le sérieux et la persévérance. «J'étais venu à Cannes pour une semaine et j'y suis resté six ans. Mes parents ont accepté car j'étais placé dans une famille d'accueil sympa, les Elineau. C'est à ce moment que j'ai pensé que je pourrais vraiment faire une carrière professionnelle. Je côtoyais des joueurs pros tous les jours. Je pensais qu'avec du travail, du sérieux et de la persévérance, j'y arriverais.» Tout Zineddine Zidane est résumé là : à seize ans déjà, il estime qu'avec du travail, du sérieux et de la persévérance, il arriverait à faire une bonne carrière. Et quel parcours, et quelle carrière! Les meilleurs joueurs du monde, de Ronaldo à Figo, et les plus grands journaux espagnols, français, italiens, britanniques, américains, ne tarissent pas d'éloges à son égard, alors que la Fifa songe sérieusement à lui décerner le titre de meilleur joueur de ce Mondial 2006. Aux trois qualités qu'il a lui-même énumérées, on peut y ajouter une quatrième. La modestie. Une qualité qui lui a permis, alors qu'il a annoncé sa retraite de joueur professionnel depuis des mois, d'opérer une montée lente mais en puissance en faisant qualifier les Bleus dans un premier temps, puis en les menant jusqu'à la finale à Berlin, ce 9 juillet 2006. Ce ne sera pas son premier exploit, loin s'en faut: «Le 17 avril 1994 au parc Lescure à Bordeaux, je suis sélectionné pour la première fois en équipe de France. Je remplace Corentin Martins à la 63e minute alors que nous sommes menés deux buts à zéro. Je marque les deux buts du match nul.» Il est vraiment l'homme qui tombe à pic. Une belle revanche pour les Beurs et les Blacks, cette France multicolore et multiraciale dans laquelle personne ne croit plus outre-Méditerranée, surtout depuis la crise des banlieues en automne passé. «Que du bonheur! Que du bonheur!» s'était écrié Dominique de Villepin, après la victoire inespérée contre l'Espagne, en huitièmes de finale. Le président français Jacques Chirac était allé soutenir lui-même les Bleus contre les super favoris du Mondial, le Brésil, en quarts de finale. Et aujourd'hui, après la victoire sur les Portugais, grâce à un but décisif de Zidane contre l'un des meilleurs gardiens du tournoi Ricardo, c'est le ministre de l'Economie, Thierry Breton qui affirme, le sourire en coin: «C'est bon pour le moral et pour la reprise de la croissance.» On sort du domaine sportif pour entrer dans un tout autre domaine, en prêtant à un match de football une magie sociale et politique qu'on ne lui soupçonnait pas. Oubliée la crise des banlieues. Oubliées les manifestations anti-CPE. Zappée l'affaire Clearstream et la polémique de Villepin-Hollande. Même le «non» au référendum sur la Constitution européenne est aux oubliettes. Certains ont même crié à la récup, comme si un chef d'Etat n'avait parfaitement pas le droit de soutenir son équipe, et c'est bon pour le moral de cette dernière. A 34 ans (il est né le 23 juin 1972), Zidane profite de ce Mondial pour s'offrir un jubilé, se permettant la satisfaction de quitter la compétition la tête haute, en étant l'idole des Français. Oui, parfaitement, des Français, et pas seulement des Beurs ou des Blacks, car le joueur du Real Madrid, de Cannes, de Bordeaux et de la Juve a le même comportement exemplaire et le même sourire angélique avec tout le monde. Il a toujours défendu avec loyauté les couleurs sous lesquelles il joue. Bien sûr, c'est à la fois un plaisir et un honneur de voir que ce héros des stades est un enfant de chez nous, mais sans prêter un quelconque chauvinisme à un tel fait. Cela veut dire tout simplement qu'avec du travail, du sérieux et de la persévérance, un jeune peut réussir sa vie, que ce soit dans le football ou dans tout autre discipline. Et bien entendu, pour un pays dont l'équipe n'a pas été qualifiée, c'est bien d'être représenté à cette grande fête du sport et de la paix qu'est le Mondial, par un joueur qui a le talent de Zidane, et qui est considéré comme un dieu du stade. Voir flotter le drapeau algérien sur les Champs Elysées ou sur les gradins à Munich n'est pas fait pour déplaire aux tifosis algériens.