«La réconciliation nationale est, en premier lieu, le respect de la paix, des opinions d'autrui et le droit à la différence». Cette phrase tirée de la lettre du Chef du gouvernement, Ali Benflis, adressée aux cadres du FLN réunis lors des universités d'été du parti à Oran, sonne comme le début du renouveau stratégique du Front. Les paroles de Benflis, accueillies avec beaucoup d'attention au sein de l'ex-parti unique, marquent un recentrage du FLN qui négocie là le virage le plus décisif, depuis 1996. L'isolement de plus en plus marqué de Boualem Benhamouda, jugé selon de nombreuses voix contestataires, incapable de piloter le saut qualitatif auquel aspire le parti à la veille d'échéances électorales cruciales, était accentué par l'absence même des ténors du parti à Oran. Car outre Benflis, en vacances pour une dizaine de jours, ni le président du Conseil de la nation, Messaâdia, ni une flopée de députés et de sénateurs n'ont fait le déplacement à cette rencontre, qui devrait être la dernière du règne de Benhamouda. Seuls trois ministres ont répondu à l'appel, Djamel Ould Abbès, Amar Tou et Amar Sakhri, mais se faisant fort discrets en cette période d'agitation où tout semble trembler sous les pieds du secrétaire général actuel du FLN. Mais jusque-là, l'affaire ne semble pas être réglée tel du papier à musique, comme ce fut le cas du tandem Benhamouda-Belayat, qui avait fomenté et réussi l'éjection fulgurante de Abdelhamid Mehri en 1996, avec Benflis dans l'antichambre. A cette époque, la donne politique était plus claire du fait que le camp de Sant'Egidio, qui avait pris les rênes du vieux parti, depuis 1991, s'était positionné à contre-courant des idées traditionnelles du FLN, tout acquis, par principe, à l'extirpation des racines du terrorisme et au refus de toute alliance avec les islamistes de l'ex-FIS. La vocation nationaliste du FLN étant retrouvée, surtout lorsque les périls menacent la nation, ce type de débat politique est redevenu subsidiaire. Ceux qui demandent le départ de Benhamouda ne peuvent attaquer le vieux «renard» à la chevelure argentée sur un point similaire. Benhamouda n'a pas failli politiquement, mais organiquement. Les observateurs constatent que le FLN est devenu, à l'image de son chef, archaïque, réactif et sans aucune force de proposition. C'est pour sortir le parti de cet état végétatif, voire comateux, que les grandes manoeuvres ont débuté, depuis près de huit mois, sur la nécessité de renouveler la tête de la direction du BP et de dépoussiérer quelque peu un comité central qui ronronne. Moins qu'un «coup d'état», les partisans du départ de Benhamouda ont multiplié les critiques sur l'immobilisme global de la direction et veulent pouvoir opérer un changement en douceur. Une sortie sur du velours. C'était mésestimer les capacités de réaction, certains diront de la résistance, de Benhamouda et de son entourage à cette vague de contestation. Les frondeurs n'ont pas apprécié les déclarations ambiguës de Benhamouda sur l'avenir de la concorde civile qui, au regard de la lettre de Benflis, sont en complète contradiction avec la stratégie de ceux qui font la décision au parti. Ils n'ont pas, également, apprécié cette manière de faire remonter l'affaire du rapport sur la fraude électorale des législatives de 1997 où le principal accusé est le RND. Pour certains, le salut du FLN, privé de victoire pour cause de rééquilibrage politique au profit du parti d'Ouyahia, viendrait de la dénonciation de toute fraude, triche ou bourrage des urnes éventuels. Ils en dénoncent les risques et les conséquences pour les prochaines échéances. Or, cette stratégie de «marcher» sur le RND pour reconquérir les APW/APC perdues, depuis quatre ans, n'arrange pas tout le monde. Elle contrarie, en premier lieu, les tenants d'un rapprochement électoraliste avec le RND d'Ouyahia, nécessaire, voire vital, pour barrer la route aux islamistes du MSP, d'Ennahda ou d'El-Islah en 2002. Les derniers soubresauts de cette crise avant la tenue d'un comité central, qui s'annonce houleux en septembre prochain, sont intervenus sous la forme d'une pétition qui circule entre des députés du FLN. Benhamouda en personnage avisé, connaissant les rouages huilés d'une succession en devenir, sait qu'il va partir. Mais il ne semble pas pour autant vouloir faciliter la tâche à ses adversaires. Cela va forcément obliger Benflis à être plus entreprenant en coulisses et à activer des relais plus expéditifs. Et si Benhamouda, à qui on fait miroiter une retraite paisible sur le fauteuil du président du tiers présidentiel au Sénat se met dans l'idée d'imiter la sortie au forceps de Bachir Boumaza, précisément au Sénat, le navire FLN va sérieusement tanguer.