L'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara occidental, James Baker, a séjourné ce dernier week-end dans la région du Maghreb. De fait, le séjour du diplomate onusien est pratiquement passé inaperçu tant sa visite à Rabat et à El-Ayyoun a été entourée du secret. Pour quel objectif, alors que de telles visites de l'envoyé spécial de Kofi Annan pour le Sahara occidental étaient traditionnellement annoncées à l'avance ? Une visite de travail bien particulière, au demeurant, au cours de laquelle, M.Baker a eu des entretiens en tête à tête avec le roi Mohammed VI. Il ne fait pas de doute que les discussions entre les deux hommes ont porté sur la situation au Sahara occidental et sur les difficultés à crédibiliser «l'accord-cadre» devant l'opinion publique internationale. Cet «accord-cadre» devait, selon les Marocains, suppléer au plan de paix de l'ONU et à l'organisation d'un référendum au Sahara occidental. Pourquoi rencontrer seulement les Marocains, peut-on se demander, lorsque l'autre partie au contentieux, le Front Polisario, n'a pas fait l'objet de la même sollicitude? D'autant que le temps est aujourd'hui compté et que les échéances se rapprochent à grands pas (rapport du secrétaire général de l'ONU au Conseil de sécurité avant la fin février, et la prochaine fin de mandat de la Minurso). Arrivé jeudi dernier à Rabat, James Baker avait immédiatement rejoint El-Ayyoun où il eut un bref entretien avec le nouveau représentant du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara occidental, William Lacy Swing, au siège de la Minurso (mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum d'autodétermination au Sahara occidental). Aucune information n'a filtré sur ce que se sont dit les deux diplomates américains en charge de la question sahraouie. L'obstacle qui met en stand-by le dossier sahraoui est relatif à la proposition de l'«accord-cadre» de James Baker devant ouvrir, selon lui, sur ce qui a été appelé la «troisième voie». Si cet «accord-cadre» a été approuvé par le royaume marocain, il fut, en revanche, rejeté catégoriquement par le Front Polisario qui reste attaché au processus de Houston conclu entre le Maroc et le Front Polisario. Peu convaincu de la démarche entreprise pour débloquer la situation, le Conseil de sécurité avait refusé d'endosser le projet d'«accord-cadre» et demandé à M Annan de poursuivre ses efforts pour arriver à une solution consensuelle entre les deux parties. De fait, s'appuyant sur les résolutions de l'ONU, et se référant au plan de paix ONU-OUA, le Conseil de sécurité place le contentieux sahraoui dans la perspective des problèmes de décolonisation. Dans ce contexte, les résolutions de l'ONU ne souffrent aucune équivoque. Si équivoque il y avait, elle serait introduite par le projet de «troisième voie» proposé par James Baker, et devant, selon ce texte, romouvoir une «large autonomie du Sahara occidental dans le cadre de la souveraineté marocaine» Une manière, à peine voilée, d'évacuer l'organisation d'un référendum d'autodétermination pour le peuple sahraoui. En fait, la visite de James Baker dans la région - de fait au Maroc, avec un bref crochet sur El-Ayyoun qui lui permit de rencontrer le représentant spécial William Lacy Swing - rentre-t-elle, sans doute, dans le cadre des efforts qui se poursuivent pour parvenir à un accord permettant l'organisation du référendum d'autodétermination. Par ailleurs, les observateurs ont relevé la curieuse présence, dans l'avion qui mena M Baker à El-Ayyoun, de Mme Margaret Tutwiller, ambassadrice des Etats-Unis à Rabat. Ce qui, à la limite, constitue une entorse aux règles diplomatiques: le Sahara occidental étant un territoire contesté et pris en charge par l'ONU. Certes, Mme Tutwiller est demeurée à bord de l'avion - considéré en l'occurrence comme territoire américain - mais la presse marocaine ne s'est pas privée d'extrapoler, allant jusqu'à estimer cette présence incongrue, comme une étape avant le soutien américain à l'«accord-cadre» et à la démarche dite de la «troisième voie». Plus simplement sans doute que Mme l'ambassadrice américaine, ancienne collaboratrice de James Baker, à l'époque où il était secrétaire d'Etat du président Bush père, était-elle «heureuse» de retrouver un ami, en mettant à profit sa présence, pour l'accompagner. Il n'en reste pas moins que cette présence (maladroite ou calculée) peu diplomatique prêtait au doute. Tout au long de sa mission à El-Ayyoun, de même qu'à Rabat, James Baker ne fit aucune déclaration, ouvrant la voie à maintes supputations. Toutefois, selon la presse marocaine, James Baker aurait fait part au roi Mohammed VI des contraintes qu'il y avait à faire mettre en oeuvre «l'accord-cadre». De Cuba où il se trouve, Mohammed Abdelaziz, secrétaire général du Front Polisario, a mis en garde contre toute tentative de manipuler le dossier sahraoui, avertissant que le Front Polisario «reprendra la guerre si nécessaire» insistant: «Nous ne permettrons à personne d'usurper le droit du peuple sahraoui à la liberté, quel que soit le prix que nous aurons à payer pour cela et quel que soit le temps que cela nous prendra», ajoutant: «Le Maroc continue à dresser des obstacles devant l'organisation du référendum dont l'issue inéluctable sera l'indépendance.»