Confronté à la capture de deux soldats israéliens et à l´embrasement du Sud-Liban, le gouvernement se retrouve plus démuni que jamais. Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a annoncé que les deux soldats israéliens capturés ne seraient libérés que par le biais de «négociations indirectes, dans le cadre d´un échange» de prisonniers. Le Hezbollah n'a pas l'intention de fléchir malgré les agressions «disproportionnées» de l'armée israélienne contre le Liban. Il menace d'attaquer Haïfa. Les derniers événements ont déstabilisé une scène politique au Liban, déjà profondément divisée et fragilisée. Le gouvernement du Premier ministre Fouad Siniora a tenu à se démarquer de l´opération du Hezbollah, au risque de nouveaux tiraillements au sein du cabinet de coalition. Or le parti chiite est minoritaire, mais occupe une place importante aux côtés de la majorité anti-syrienne. Mercredi, le gouvernement libanais a nié toute responsabilité dans la capture des deux soldats israéliens. «Le gouvernement libanais n´est pas responsable de la capture des deux soldats israéliens et ne fait pas sienne cette opération», a déclaré le ministre de l´Information Ghazi Aridi. Cette position du gouvernement a fait l´objet de réserves de la part des ministres du Hezbollah. Le gouvernement libanais a demandé, jeudi, un «cessez-le-feu immédiat et la fin de l´agression israélienne». Ghazi a fait état de l´échec des efforts diplomatiques du Liban pour obtenir un arrêt de l´offensive israélienne. le Premier ministre Fouad Siniora s´est entretenu avec les ambassadeurs des membres permanents du Conseil de sécurité de l´ONU ainsi qu´avec ceux d´autres pays arabes afin d´obtenir leur soutien pour que soit mis fin à l´offensive israélienne. Il a eu un entretien jeudi avec la secrétaire d´Etat américaine, Condoleezza Rice, durant lequel il a insisté pour que le Conseil de sécurité vote un cessez-le-feu total. Le gouvernement paraît bien en peine de contrôler les choses à l'intérieur, en l´absence d´un consensus national sur sa «stratégie de défense» et le rôle du Hezbollah, principale pomme de discorde entre les dirigeants libanais qui ont entamé un dialogue en mars pour trouver un terrain d´entente à leurs différends. Depuis le début de la crise, le gouvernement libanais, confronté à la capture, mercredi, de deux soldats israéliens par le Hezbollah et à l´embrasement du Sud-Liban, se retrouve plus démuni que jamais face à la volonté d´Israël de punir le Liban. Accentuant les dissensions au sommet du pouvoir, le président libanais Emile Lahoud, a, pour sa part, renouvelé son appui à la lutte armée du parti chiite contre Israël. La réaction des partis politiques est venue entériner la crise politique au Liban qui s'est exacerbée depuis l'assassinat de Rafic Hariri. Justement, le chef du Bloc parlementaire du futur, le député Saâd Hariri, a interrompu sa visite à Pékin afin de se rendre au Caire et en Jordanie pour des entretiens avec le président égyptien Hosni Moubarak et le roi Abdallah. Hariri a expliqué à l'issue de l'entretien qu'il a eu avec Moubarek qu'il était venu «demander l'aide d'un homme sage pour stopper le péril israélien auquel le Liban est en train de faire face». Il a, de plus, insisté sur «la nécessité de mettre un terme à ces agressions par tous les moyens». Interrogé sur l'avenir du dialogue national, M.Hariri a considéré que «l'important à l'heure actuelle reste le cessez-le-feu et la recherche d'une solution à cette crise, car nous craignons pour le Liban et les Libanais». La surprise est venue du chef du PSP, Walid Joumblatt, qui, dans une interview publiée hier par le quotidien français Le Figaro, a dénoncé hier la «surenchère» pratiquée par le Hezbollah et souligné que ce dernier «devra s'expliquer devant les Libanais» sur son comportement. Il a également accusé la Syrie de vouloir «remettre la main» sur le Liban. «Compte tenu de l'offensive militaire israélienne contre les Palestiniens à Ghaza et de la question des prisonniers libanais en Israël, la logique du Hezbollah peut justifier l'enlèvement des deux soldats israéliens», a déclaré M.Joumblatt. Mais en kidnappant ces deux soldats, le Hezbollah «joue un jeu très dangereux. Nous ne sommes plus dix ans en arrière. Israël a évacué le Liban». Samir Geagea, chef des Forces libanaises et membre de la majorité anti-syrienne, a estimé, lui, qu' en l´absence d´une décision du gouvernement, il n´est pas permis de plonger le Liban dans la tourmente. La presse libanaise a dénoncé en bloc les agressions israéliennes. Certains titres, à l'image du journal An-Nahar, ont stigmatisé l'impuissance du gouvernement libanais: «L´Etat libanais n´existe pas. Comment pourrait-il exister alors qu´il ne détient pas la décision de faire la paix et la guerre?», s´interroge l'éditorialiste. Selon lui, «le Hezbollah (...) n´est pas un mouvement uniquement libanais, mais il est libanais, palestinien, syrien et iranien, et son idéologie est en contradiction avec la notion d´un Etat dans un pays à la structure complexe comme le Liban». A noter qu'Israël met sur un pied d'égalité le gouvernement libanais et le Hezbollah qui «sont responsables de l´enlèvement des deux soldats».