Bon an, mal an, Alger refoule près de 10.000 migrants clandestins appartenant à une quinzaine de pays d'Afrique, et fait, pour l'Europe, un authentique travail de «bouclier». «Nous notons avec déception que l'Algérie a refusé de participer à la conférence qui s'est tenue au Maroc», dit un communiqué du département américain publié il y a deux jours, indiquant que les Etats-Unis ont assisté à la conférence en tant qu'observateur par le biais d'un représentant de leur ambassade à Rabat. Le communiqué, qui a été très laudatif envers le Maroc et envers les discussions menées et les perspectives dessinées, rend aussi hommage aux «efforts tendant à régler» la problématique migratoire. «La question de l'immigration est une question politique majeure à laquelle sont confrontées l'Europe et l'Afrique», indique le communiqué. A signaler que le plan adopté à Rabat, au terme de la Conférence euro-africaine sur la migration et le développement, vise à traduire les objectifs que se sont tracés les Africains et les Européens pour venir à bout de l'épineuse question du flux migratoire. Les participants à la conférence de Rabat sont tombés d'accord sur la mise en place d'un partenariat autour du problème de la migration et d'une gestion optimale et dans un esprit de responsabilité partagée des flux migratoires, à travers la promotion du développement et la mise en place d'instruments financiers favorisant le co-développement. Tous les participants ont été unanimes: le Royaume du Maroc a réussi là où d'autres assistaient en spectateurs. En somme, le Maroc a réussi son pari. Et cela malgré le boycott de l'Algérie qui a adopté la politique de la chaise vide. Et pourtant, le voisin algérien est concerné au premier chef par ce problème, car nombre d'immigrants africains passent par le territoire de ce pays pour tenter l'aventure européenne. Organisée les 10 et 11 juillet dernier à Rabat, la Conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement a permis la participation de 57 pays d'Europe et d'Afrique, des observateurs internationaux de la Commission européenne, de l'Union africaine et de l'ONU, ainsi qu'un délégué des Etats-Unis. Cependant, cette conférence devait surtout permettre au Maroc de se défaire d'une réputation qu'il avait traînée tout au long de l'année 2005, de pays tortionnaire des migrants clandestins interceptés sur son propre territoire. Ceux-ci étaient mis aux arrêts, parfois battus et reconduits aux frontières, abondonnés en plein désert et à leur sort. Ces images avaient fait le tour du monde durant l'été 2005 et le Maroc avait une bonne raison alors de donner de lui une image positive. Selon Rabat, l'Algérie a une partie de son territoire qui sert de zone de transit pour les subsahariens tentant de se rendre en Europe via le Maroc, et, en décidant de ne pas participer à la réunion, elle a privé la conférence d'un partenaire essentiel. Alors que l'Algérie, de son côté, estimait que la question de l'immigration clandestine devrait être débattue dans le cadre de l'Union africaine, dont le Maroc ne fait pas partie depuis l'admission en son sein du Front Polisario, et que ce débat qui implique évidemment Alger au plus haut point, devait être organisé sinon de concert, du moins en bonne collaboration. Cette invitation de dernière minute avait sonné comme une incongruité flagrante, au vu des allergies qui caractérisent les relations algéro-marocaines. Bon an, mal an, l'Algérie expulse 8000 immigrants clandestins venus, notamment des pays de la bande du Sahel, mais aussi de pays comme le Sénégal, le Bénin, le Cameroun ou le Nigeria et refoule le double aux postes de surveillance le long des 12.000 kilomètres qu'elle partage avec la Mauritanie, le Niger, le Mali et la Libye. Des statistiques menées par les gardes-frontières algériens donnent ce chiffre effarant: au moins 35.000 immigrants clandestins ont été reconduits chez eux depuis l'année 2002. «Bouclier de l'Europe», l'Algérie l'est, et l'a longtemps été. Beaucoup plus que le Maroc, lui aussi zone de transit, mais qui a beaucoup à gagner en mêlant la détresse des réfugiés aux enjeux politiques liés aux enclaves de Ceuta et Melilla. Ce que l'Espagne n'ignore pas et le dit à Rabat à chaque occasion qui se présente.