Le Ramadhan est quasiment aux portes. Les Algériens qui, habituellement apprécient particulièrement le mois sacré pour d'évidentes raisons de spiritualité, ainsi que pour son caractère festif en soirée, n'en craignent pas moins ses effets sur les finances des ménages. Les premiers signaux sur cet aspect des choses ne plaident pas en faveur d'une table de f'tour bien garnie à un coût plus ou moins abordable. Le constat est plutôt amer. Le plafonnement du prix du poulet à 350 DA le kilogramme n'a pas eu d'impact sur le marché puisque, malgré l'application de la mesure prise par le ministère de l'Agriculture dans les sites de vente de l'Office national de l'aliment de bétail (Onab), la viande blanche est cédée dans tous les marchés du pays à plus de 420 DA le kilogramme. Les prix de cet aliment, nécessaire pour son apport en protéine, fluctuent à la hausse comme à la baisse de plusieurs dizaines de dinars quotidiennement. Ce qui rend caduque la promesse du ministère et augure d'une hausse, certainement plus importante, durant le mois sacré. À cet échec annoncé dans la régulation de la viande blanche, l'on craint également de voir le même scénario se répéter pour ce qui concerne la viande rouge. En effet, les 20 000 tonnes de viande bovine au programme de l'importation par Alviar ne représentent que 30% de la consommation mensuelle pour un mois de Ramadhan. Outre la tension que l'on peut imaginer sur le produit, l'on s'interroge sur sa distribution, puisque Alviar ne peut, pour l'instant en tout cas, garantir, que quelque 420 points de ventes contrôlés par le groupe public. Comme pour le poulet d'ailleurs, il est impossible de prétendre à réguler un marché de 44 millions de consommateurs, répartis sur un pays-continent de plus de 2 millions de km2 avec une production rachitique en viandes rouges et blanches et des importations «anecdotiques» qui ne couvrent que le tiers de la consommation. L'on évoque l'importation de 10 000 têtes de bovins destinés à l'abattage, dans un contexte flou où la visibilité des professionnels sur ce marché est quasi nulle. Et pour cause, toutes ces quantités importées, censées contrebalancer une production nationale à plus de 90% d'origine privée, n'ont aucune garantie d'accès à tous les points de vente du pays, qu'ils appartiennent à des établissements publics ou privés. On voit mal les poulets de l'Onab et la viande d'Alviar agir sur le marché si, physiquement, leurs produits n'occupent qu'une infime partie de l'espace commercial national. Alviar qui promet de déborder sur ses propres points de vente et proposer sa marchandise à tous les bouchers des 58 wilayas, aura-t-elle le temps et les moyens de réussir pareille manoeuvre, en tenant compte du cahier des charges plutôt difficile à en remplir les conditions? Les professionnels de la filière doutent du succès du groupe public spécialisé dans les viandes rouges, après avoir constaté le flop de l'Office tout aussi public, tourné vers la production de la viande blanche. En somme, à quelques semaines du début du mois sacré, l'opération qui consiste à faire fléchir le prix des viandes ne donne aucun signe satisfaisant, bien au contraire. Les Algériens qui n'apprécient pas du tout cette hausse galopante des prix de produits de consommation essentiels pour le mois sacré, s'interrogent, à juste titre, sur ce que leur réservent les ministères du Commerce et de l'Agriculture. Le président de la République a, certes, missionné ces deux départements avec celui de l'Intérieur pour veiller scrupuleusement sur l'approvisionnement du marché et la lutte contre toute velléité de spéculation, or l'on n'est pas dans ce cas de figure, mais face à une incapacité d'entreprises publiques de répondre à une immense demande de consommation. Alors que les deux entreprises manquent de moyens de distribution, les pouvoirs publics ne semblent pas avoir encore pris la décision qui sied pour éviter une grande perturbation du marché pendant le mois sacré. Même si l'intervention d'importateurs privés peut passer pour un mal nécessaire, pour certains, elle devient incontournable pour sauver l'opération Ramadhan, estiment de nombreux observateurs. Le président de la fédération des importateurs de viande n'a eu de cesse d'affirmer, ces dernières années, que son organisation connaît parfaitement le marché international, dispose d'un circuit de distribution qui couvre l'entièreté du territoire national et peut en quelques jours inonder le marché en viande rouge. À charge pour les pouvoirs publics de contrôler la qualité de la marchandise. «Il est encore temps de faire fléchir les prix du marché et donc éviter une catastrophe pendant le Ramadhan, en autorisant aux privés l'importation de viande en carcasse», souligne le président de la Fédération des importateurs de viande. Que feront les pouvoirs publics?