Cette plage au sable blanc a été le théâtre du débarquement raté d'une force expéditionnaire anti-castriste. Dernier rempart contre «l'impérialisme américain» le rouleau compresseur de la mondialisation, Fidel Castro lutte contre la mort depuis quatre jours. Le porte-flambeau des pays Non-alignés, grand ami du président Houari Boumediene et de l'Algérie, Castro a marqué les premières années de son accession au pouvoir par un fait d'armes indélébile dans les archives de la CIA. Haut-lieu du «tourisme révolutionnaire» aujourd'hui, la baie des Cochons, théâtre du débarquement raté, il y a 45 ans, d'une force expéditionnaire anti-castriste, reste le symbole de l'échec américain à renverser Fidel Castro. La plage de sable blanc qui vit débarquer le 17 avril 1961 les 1400 volontaires, tous les Cubains exilés, armés par la CIA pour l'«Opération Pluton», abrite aujourd'hui un hôtel et, à proximité, un petit musée où sont conservés les armes et les autres objets de la bataille et de ses victimes. A l'entrée du musée, l'arme de la victoire: le Sea Furry, appareil d'entraînement britannique, qui coula les cargos qui devaient approvisionner en armes lourdes le corps expéditionnaire. En pleine guerre froide, le matin du samedi 15 avril, six bombardiers B-26 peints aux couleurs cubaines, venus du Nicaragua, attaquent les bases aériennes de La Havane et de Santiago (sud). L'un d'entre eux est abattu par la DCA. Cinq appareils de l'aviation castriste -une quinzaine d'avions en tout sont détruits au sol. Mais il en reste neuf, qui joueront un rôle décisif 48 heures après. La CIA, elle, croit avoir liquidé l'aviation cubaine. Le 16 avril, lors de l'enterrement des sept victimes des bombardements, Fidel Castro, après avoir comparé l'attaque à Pearl Harbour, lance: «Ce que les impérialistes ne peuvent nous pardonner, c'est d'avoir fait triompher une révolution socialiste juste sous le nez des Etats-Unis». Le lendemain, le lundi 17 avril vers 01h15, les quelque 1400 hommes de la brigade 2506, des Cubains anti-castristes formés dans des camps secrets par la CIA, débarquent en deux points, à Playa Larga et Playa Giron, soit au fond et à l'entrée orientale de la baie des Cochons, à moins de 200km au sud-est de La Havane. Au large, huit cargos destinés à consolider la tête de pont. Mais les restes de l'aviation de Castro décollent. Le Houston, touché par les roquettes s'échoue et le bataillon qu'il transporte ne pourra jamais débarquer. Le Rio Escondido, chargé de 10 jours de munitions, est coulé. Les autres reprennent le large. Dans le ciel, les T-33 de Castro abattent deux B-26, quatre pilotes américains sont tués. Au sol, l'effet de surprise du débarquement est quasi-nul. Fidel Castro arrive sur place et dirige les opérations avec un de ses fidèles, José Ramon Fernandez. Les combats, acharnés, dureront deux jours, jusqu'au 19 avril. Mais, privés de soutien aérien et du matériel lourd, les «mercenaires» jettent l'éponge: 1189 prisonniers, 161 morts dans les rangs castristes, 107 dans les rangs anti-castristes. Dans tout le pays, une gigantesque rafle conduit à l'arrestation de quelque 100.000 Cubains dont 35.000 à La Havane. Les combattants capturés seront exhibés à la télévision. Cinq d'entre eux seront exécutés, neuf autres condamnés à 30 ans de prison, les autres seront libérés en décembre 1962 en échange de 53 millions de dollars de médicaments et de nourriture. A La Havane, Fidel Castro triomphe. A Washington, c'est le désastre. Célébrée comme «le plus retentissant fiasco de la CIA», l'opération Pluton coûtera son poste à son directeur d'alors, Allen Dulles, et certains historiens voient ses répercussions jusque dans l'assassinat du président Kennedy en 1963. Fidel Castro, qui avait 35 ans à l'époque, fêtera, lui, ses 80 ans en août prochain, plus que jamais au pouvoir. Washington, et la CIA avec, n'attend plus désormais que «la solution biologique» au «problème cubain».