La charge d'un camion de type semi-remorque est cédée à plus de dix mille dinars. Exploitation illicite, destruction de l'écosystème, détournements du foncier agricole et pillage à grande échelle des matériaux relevant du domaine public caractérisent la gestion des carrières de tuf. Ainsi, ces reproches légitimes, à plus d'un titre, reviennent tels des leitmotivs dans la contestation des citoyens, à propos de la gestion anarchique et dont le moins que l'on puisse dire, confuse et opaque, là où les gisements de tuf ou roche poreuse existent bien entendu. Dans ce contexte, si la zone montagneuse de la commune de M'kira à l'extrême sud de Tizi Ouzou sur les limites géographiques avec la wilaya de Boumerdès, ne recelait qu'un seul don naturel ça serait sûrement du tuf situé au lieudit Bouaïta à deux kilomètres du chef-lieu communal. Cette richesse naturelle aurait pu être rentable et bénéfique pour la municipalité si le marché relatif à sa location avait été conclu selon les normes requises. L'exploitation «illégale» de ce gisement remonte à l'ère des DEC, affirme un membre de l'association des fils de chouhada. «A cette époque-là- nous avons dénoncé, à travers une lettre adressée au président de la République, les travaux qui s'opéraient au niveau du site en ayant constaté le début de l'exploitation et la commercialisation de la terre extraite, malgré le fait que seules l'exploration et l'étude du sol ont été autorisées par les services concernés. Quelque temps après, il y a eu, l'arrêt immédiat de l'exploitation, signifié par arrêté du wali de Tizi Ouzou» Exploration ou commercialisation? En fait, selon une correspondance de la direction des mines de Tizi Ouzou datée de 1998, l'APC de M'kira a sollicité l'exploitation du gisement, en guise de réponse, la direction des mines précise que «l'APC ne peut pas exercer une activité à caractère industriel et commercial. Néanmoins, mes services sont à votre entière disposition pour recevoir un investisseur potentiel orienté par vos soins qui désirerait exploiter le site en question». Selon quelques informations qui nous ont été données par les notables de la région: dans le contrat initial seule l'exploration a été autorisée mais les promoteurs avec la complicité de l'ex-APC ont opté pour la commercialisation de ce tuf à partir de 1997, les matériaux extraits, faut-il le signaler, sont utilisés dans la fabrication de la faïence, la poterie et la couverture des pistes et bordures de routes. «Malgré son importance, ce gisement, selon les responsables locaux, n'est pas répertorié au niveau des services des mines». Comment a été possible l'exploitation durant la période allant de 1997 à 2005 si la décision d'exploitation du gisement a pris effet à partir du 15 janvier 2005? Pourquoi n'y a-t-il pas eu d'appel d'offres avant d'attribuer le marché? ne cessent de s'interroger les citoyens qui se mobilisent de plus en plus. A en croire les dires de la population, l'ex-président d'APC a puisé à pleines mains pendant son règne qui a duré près de deux mandats. Son nom fut souvent lié au flou qui entoure la gestion du gisement pour être un des complices d'un certain privilégié originaire de la wilaya de Sétif qui aurait eu l'autorisation d'exploitation «d'en haut» selon les citoyens contestataires. Un document intitulé «convention et bail de location» signé entre l'ex-APC et la Sarl Tufeal, approuvé par la daïra de Tizi Gheniff le 2 avril 2005, mais dépourvu de la signature du chef de daïra, a relevé que la superficie du terrain exploité est de 12 ha. Quant à sa valeur locative, elle est fixée au montant annuel de 600.000 DA. Toutefois, un arrêté portant la paraphe du ministre de l'Energie et des Mines, en l'occurrence Chakib Khelil, dont une copie est en notre possession, existe au grand étonnement des observateurs avertis. Plusieurs de ces derniers doutent que l'émargement du ministre ait été scanné ou imité. La surprise fut encore immense en lisant le courrier de l'Agence nationale du patrimoine minier (Anpm) daté du 25 décembre 2005 informant que «la société Tufeal est titulaire d'une autorisation d'exploitation délivrée en date du 15 janvier 2005 pour une période de 10 an par le ministère de l'Energie et des Mines». En plus des irrégularités qui alimentent les discussions à propos de ce gisement, il y a ses conséquences néfastes sur l'environnement à savoir la disparition progressive de toute trace de vie animale et végétale, la pollution de l'air émanant de la poussière de l'extraction du tuf, cela fut signalé par les habitants du village riverain. «Nous avons saisi le président d'APC actuel juste après son installation pour lui faire part de notre proposition de transformer les lieux en forêt récréative en procédant au préalable à la résiliation du contrat d'exploitation que détient la Sarl Tufeal. Dans le souci d'appuyer l'action que les responsables locaux auront à entreprendre, une pétition initiée par un collectif de comités de villages circule à travers la commune pour exiger l'assainissement de ce gisement de tuf», a révélé un membre actif de l'association pour le développement durable (Aiedr). Effectivement, ce document signé par plusieurs centaines de citoyens à l'échelle communale, dénonce «l'exploitation abusive et anarchique qui occasionne de nombreux désagréments, notamment celui lié à l'obstruction quotidienne du CW 107 par les engins de grand tonnage, ainsi que son impact négatif sur l'environnement». «Les autorités n'ont qu'à prendre acte de la pétition au lieu de procéder à des intimidations pour étouffer notre mobilisation», martèlera un autre citoyen pour illustrer également cet abus. Un stock de tuf, selon quelques observateurs a été signalé à Aïn Zaouia, une commune distante de 45 km en allant vers l'est. A partir de là, le produit prend d'autres destinations. Par ailleurs, on apprend que la charge d'un camion de type semi-remorque est cédée à plus de dix mille dinars. Le marché est juteux car la rentabilité de cet investissement n'est pas des moindres, étant donné que le mouvement des camions immatriculés dans différentes wilayas, ne cesse que la nuit tombée si l'on se réfère aux récits des riverains qui ajoutent: «Parfois, l'activité se poursuivait même la nuit, alors que notre collectivité n'a aucun intérêt sinon très peu». Le bruit qui a entouré l'exploitation de ce gisement a fait que la wilaya a diligenté une enquête, une manière de contenir l'ire de la population qui réclame à cor et à cri l'arrêt immédiat de cette activité afin de recenser les avis des citoyens quant à son effet sur leur milieu naturel. Un registre de doléances est mis à la disposition du public, et la suite est connue par tous. Au lieu de cette enquête inutile, pourquoi ne tient-on pas compte de la pétition en cours qui a eu l'aval de près de deux milliers de signataires? Il y a de quoi être sceptique, s'exclame un des pétitionnaires. Opacité La révolte de la population est justifiée par le fait que cette richesse profite seulement à quelques individus intouchables. Du côté des domaines, «ces derniers projettent de récupérer le site et notre commune n'est propriétaire que de 4 ha sur les 12 du terrain en question. Pour ce qui nous concerne, nous considérons que la totalité de la superficie appartient à la collectivité», déclarera le président d'APC, en l'occurrence M.Fahem. Ceci dit, certaines discrétions affirment que derrière la distribution occulte et douteuse des autorisations hors normes, il y aurait une femme influente au niveau du département de l'énergie et des mines. Toutefois, cet état de lieux à l'allure d'un véritable scandale qui ne ferait qu'éclabousser la tutelle et assombrir davantage l'image de l'Etat régulateur, n'a pas rencontré l'écho et la réaction escomptés des autorités concernées ou du moins un démenti de leur part. Ainsi, à un détail près, la gestion du gisement de tuf de Zemmouri dans la wilaya de Boumerdès est qualifiée d'opaque et de douteuse, comme la précédente. Là c'est le foncier forestier à caractère agricole qui est transformé en carrière de tuf. Dans ce cas, l'Eurl Etpet sise à Ouled Moussa obtiendra d'abord une autorisation d'exploration minière sur 12 hectares dans un terrain de 167 hectares, dit El Boor, en septembre 2004, qui sera suivie en octobre de la même année par une autorisation d'exploitation du site d'une superficie de 13ha appartenant au domaine forestier à caractère agricole. Les gardes forestiers ont réagi en dénonçant la destruction du patrimoine agricole dans la commune de Zemmouri: pour cause un verger planté d'arbres fruitiers est converti en carrière de tuf avec la bénédiction de l'Etat. Ces derniers sont allés même jusqu'à déposer une plainte pour bloquer l'extraction quotidienne de ce matériau, mais en vain puisque contre toute logique, deux autorisations citées plus haut délivrées par le ministère de l'Energie et des Mines ont été obtenues par ladite entreprise, respectivement en septembre et octobre 2004. Ainsi, dans des conditions floues, cet entrepreneur avait transformé un champ d'arbres fruitiers en site de prélèvement de tuf. Selon quelques informations recueillies, une cinquantaine de chargements sont effectués chaque jour, et ce pour dire la fortune colossale que peut générer cette exploitation «illégale», dit-on. «En dépit des mises en demeure des responsables des forêts, l'entrepreneur, mine de rien fait le dos rond et continue son oeuvre de destruction», déplorent les forestiers et les citoyens de Zemmouri. Pour rappel, l'agression contre cette ferme a débuté en 2005. Les services des forêts avaient fait des mains et les pieds pour mettre fin à cette destruction effrénée. Pourquoi fallait-il que le ministère de l'Energie et des Mines approuve la destruction d'un terrain agricole? La loi serait-elle au-dessus de tout le monde? Ou au contraire, y aurait-il toujours des intouchables aux épaules larges quand bien même des preuves les concernant seraient étalées sur la place publique. Sinon, comment se fait-il qu'un arrêté du wali datant du 2 juillet 2005 et portant la cessation de l'extraction illégale du tuf et la destruction du terrain à vocation agricole n'est pas suivi d'effet à ce jour? En sachant toutefois que ce genre d'opposition peut valoir à son auteur des poursuites judiciaires. Par ailleurs, notons que le terrain en question avant d'être cédé dans le cadre des concessions au propriétaire de l'Eurl Etpeb avait été déjà viabilisé et planté de plus de 5000 arbres fruitiers, en somme un investissement de l'ordre d'un million et demi de dinars déboursés par le Trésor public. Enfin, il existe des velléités d'étouffer cette affaire juteuse qui risque de mettre en relief d'innombrables intérêts occultes.