La vedette libanaise livre son témoignage sur les drames de la guerre, ainsi que sur sa participation à cette 2e édition du festival international de Djemila. L'Expression: Vous visitez l'Algérie dans une conjoncture particulière cette fois-ci. Que signifie pour vous le festival de Djemila, organisé en soutien aux Libanais et aux Palestiniens? Marcel Khalifa: En effet cette visite intervient dans un contexte très particulier et elle revêt un cachet spécial, vu les conditions très difficiles que traverse le Liban. A l'instar des mes amis artistes, je suis là aujourd'hui, sur la scène de Djemila, pour exprimer ma douleur et celle que vivent mes concitoyens au Liban. Celle-ci constitue une tribune pour nos artistes, afin de dénoncer l'agression israélienne. A cette occasion, je tiens à remercier les initiateurs de cette manifestation de solidarité et de soutien. On s'est habitué à voir l'Algérie toujours aux côtés des pays opprimés. Elle a tout le temps soutenu les causes justes. Ça ne m'étonne pas de voir l'Algérie faire ce geste. Je souhaite que cette initiative à encourager porte un autre souffle à mes concitoyens... Pourrez-vous nous raconter les conditions dans lesquelles vous avez laissé le Liban? Des conditions de guerre. De guerre sans merci. Comme tout le monde le regard est braqué à travers les écrans de la télévision, on tue les enfants, les femmes et les vieux sans aucune pitié. Il y a une destruction massive. Israël cherche une liquidation physique et culturelle du Liban. Il s'attaque à nos symboles. Il détruit les rues, les maisons et les ponts. Les juifs confirment la haine qu'ils portent aux Arabes. Je tiens aussi à souligner qu'il y a une résistance farouche de la part du peuple libanais. Israël n'a avancé, réellement, que de quelques pas. A part les bombardements aériens, l'armée Israélienne a subi, malgré sa puissance, des pertes considérables. Les Libanais, ont donné une leçon aux Israéliens en matière de résistance. Encore, la résistance a commencé au Liban depuis 1982. Les Israéliens savaient que ce n'est pas facile de mener des attaques terrestres, c'est pour cette raison qu'ils préfèrent s'attaquer aux civils qui ne sont pour rien dans ce conflit. Vous parlez d'une résistance, il y a eu ces derniers temps des Fatwas, considérant le mouvement du Hezbollah comme «un mouvement terroriste», qu'il ne faut pas soutenir. Que dites-vous là-dessus? Nous sommes dans une situation de guerre. Chacun doit défendre comme il peut sa nation, sans porter d'importance aux autres considérations. Je m'interroge pourquoi taxe-t-on ceux qui défendent leur pays de terroristes, au moment où les Israéliens sont en train de tuer des femmes et des enfants de tout âge, sur leur sol, sans aucune considération aux valeurs humaines? Ceux-ci ne sont pas des terroristes? Encore, si ce n'était pas ce mouvement de résistance mené par le Hezbollah, je ne serais pas aujourd'hui parmi vous. L'Armée israélienne aurait tout écrasé sans cette résistance. Les Libanais ne portent pas de considération à cette Fatwa, car ils sont conscients de l'importance de s'unir pour défendre leur pays. C'est le non-événement pour les Libanais. Vous avez lancé un appel à tous les artistes de l'Unesco de donner des concerts au profit du Liban afin qu'ils dénoncent l'agression israélienne. Comment, à votre avis, l'artiste pourrait y contribuer? Le vrai artiste est d'abord ce soldat qui se défend sur le champ de bataille. Quant à nous, je trouve que quand un pays souffre et traverse une situation de guerre, comme le Liban, nous sommes obligés d'adhérer à ce mouvement à travers la musique, à travers les textes et les chants patriotiques encourageants, etc. L'art a un rôle à jouer aussi bien dans les moments de guerre que de paix. Comme je l'ai dit, rien ne justiferai notre art et notre présence comme artistes, si nous ne sommes pas des porte-parole des gens opprimés. Chacun participe à sa manière. N'oubliez pas que l'artiste reflète l'image de son peuple et de son pays. Il est l'interlocuteur de son public. Donc, c'est le moindre geste qu'on puisse faire. Beaucoup d'observateurs dénonce le mutisme des chefs d'Etat arabes. Qu'allez-vous dire à ces derniers? Il faut qu'on se mette d'accord que le peuple arabe dépasse ses gouvernants. Il y a un décalage entre les deux. Je trouve qu'on ne doit pas attendre beaucoup de chose de ces chefs d'Etat. Personnellement, je ne peux espérer ni attendre que ces derniers arrivent pour sauver les centaines de martyrs qui tombent sous les balles de l'ennemi israélien. Que direz-vous aux Algériens? L'Algérie et les Algériens n'attendent pas qu'un artiste leur lance un appel de solidarité et de soutien. Ils ont toujours soutenu les peuples opprimés à travers leur histoire. Ils sont un symbole de résistance comme l'est aujourd'hui le peuple libanais. Je tiens à le remercier vivement, je n'ai vraiment pas senti que je suis à l'étranger. Je souhaite que le Liban retrouve la paix le plus tôt possible.