Terrible constat: un arsenal militaire incommensurable, une pléthore de généraux, des politiques devenus chefs de guerre...et la débâcle. «C'est la logique d'El Qaîda qui va l'emporter», disait il y a peu de jours un islamiste koweitien sur la chaîne Al Jazeera. Il voulait dénoncer la stratégie israélo-américaine qui effectuait un génocide au Liban sans parvenir à faire un pas sur le terrain. Il a rappelé le cas du Hamas qui a gagné les élections en Palestine mais qu'Israël classait dans la catégorie «terroriste», sans ménager ses chefs. Selon l'invité de la chaîne la plus suivie dans le monde arabe, «les Américains autant que les Israéliens ne veulent pas d'interlocuteurs modérés dans la région. Désormais, Hassan Nasrallah se présente en interlocuteur incontournable parce qu'il leur a confisqué la force dont ils se prévalaient». Ce n'est qu'un point de vue parmi d'autres mais qui fait petit à petit l'unanimité dans l'opinion publique arabe. Le Hezbollah a prouvé au monde entier de quoi sont capables les généraux israéliens. Ils se sont aventurés dans un coupe-gorge. Il ne se passe pas un jour sans qu'ils comptabilisent leurs morts par dizaines. Les derniers jours de «l'offensive terrestre» ont été très meurtriers pour les soldats israéliens. Pas moins de 24 morts et plus de 100 blessés, pour seulement la journée de samedi. Le Tsahal n'a pas pu récupérer les corps de ses soldats abattus avec leur hélicoptère. Hassan Nasrallah intervient à Al Manar, le jour après l'adoption de la résolution 1701, pour dire que la guerre continue tant qu'Israël n'arrête pas ses bombardements. Il s'excuse -presque- d'avoir infligé la raclée à l'armée qu'on disait invincible, il y a à peine un mois. C'est l'une des premières retombées de cette guerre. Le Tsahal n'était qu'un mythe qui vient de se briser. Au point où on se demande bien à quoi sert cet arsenal militaire quand l'armée n'a pas d'hommes déterminés à combattre. En face de ses «rambos» de pacotille il y avait une armée invisible. Des hommes sortent des ténèbres, font des massacres, détruisent des chars et disparaissent comme ils sont venus. Les témoignages des soldats qui reviennent du Sud-Liban les décrivent ainsi. Ils n'ont pas vu leurs visages, ni leurs habits, ni leurs morts. Israël semble faire la guerre à des anges ou des démons. Elle annonce une large offensive qui n'en est pas une et se voit infliger une défaite.La deuxième retombée est d'ordre politique. L'Etat hébreu, créé il y a un demi-siècle dans des conditions de décolonisation, semble remettre en cause l'idéologie qui l'anime. D'essence religieuse, l'idéologie sioniste a tissé une doctrine autour de référents bibliques hachés, avec énormément de slogans, l'étoile de David sur les êtres et les non-êtres, le tout habillé d'un discours guerrier où l'ennemi venu de l'extérieur est omniprésent dans les esprits. La débâcle de leur armée a remis en cause cette doctrine qu'ils croyaient infaillible. La retombée sur les consciences arabes est énorme. Les Arabes ont compris qu'aucune force ne retiendra les Israéliens dans la région s'ils se mettaient à les taquiner de temps à autre à coups de roquettes. La dernière, enfin, et la plus significative, concerne la stratégie américaine. Condoleezza Rice est venue dire, à la face du monde arabe, que l'arrimage du GMO est engagé en dépit des résistances. C'était lors du début de l'agression israélienne. Tout le monde dit, à présent, que le GMO est enterré au Liban. Mais les Arabes n'ont pas su capitaliser cette victoire dans les négociations à l'Onu. Bolton leur a fait croire que les USA peuvent encore changer l'ordre des choses, en transformant les défaites en victoires.