La victoire inattendue du Hezbollah recentre la notion de la résistance et redessine la carte du Moyen-Orient. L'impunité d'Israël est derrière lui. En plein bombardement sur le Liban, le ministre français des Affaires étrangères croisait son homologue iranien à Beyrouth, et échangeait quelques propos avec lui. Commentaire de Douste-Blazy, repris en boucle par les télés du monde entier: «L'Iran est prêt à aider au règlement de la crise libanaise». Réponse à la fois cinglante et ironique d'Ehud Olmert: «Il n'y a rien à atteindre d'un pays qui envisage de rayer Israël de la carte». Subissant une pression accrue des puissances occidentales qui veulent l'amener à abandonner son programme nucléaire civil, l'Iran, par la bouche de son président Ahmedinedjad, n'a rien trouvé de mieux que narguer la troïka, Bush et le Conseil de sécurité de l'ONU en montant les enchères verbales sur ses intentions belliqueuses vis- à-vis de l'Etat hébreu. Lorsque le Hezbollah enlève deux soldats de Tsahal, le monde entier a les yeux rivés sur Téhéran: le pays des Mollahs, qui est censé être le mentor de Hassan Nasrallah lui ordonnera-t-il de libérer les deux otages que le Hezbollah se propose d'échanger contre le millier de prisonniers arabes dans les geôles israéliennes. C'est que tout en étant Libanaise et membre du gouvernement, la milice islamiste n'est perçue partout en Occident, mais surtout à Tel Aviv et Washington, que comme le bras armé de l'Iran, son poste avancé dans la guerre qui l'oppose à l'Occident, en général et à Israël, en particulier. Pourtant, il fallait prendre au mot la déclaration de Douste Blazy: Ce qui se passe dans la région du Proche-Orient est bien une réaction aux plans déstabilisateurs concoctés dans les laboratoires de l'administration républicaine et de son allié Tony Blair. Et dans ce cas, c'est bien Tsahal qui est le bras armé des Anglo-Saxons dans la région. Traduction: si le Proche-Orient est sur une poudrière, en étant une bombe à retardement qui peut éclater à tout moment, c'est qu'il reste un laboratoire, voire un champ de bataille permanent dans lequel les arabes (qu'ils soient sunnites, chiites ou chrétiens) servent de chair à canon, alors que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne restent loin des champs de bataille. Au regard du dévolu qui est jeté sur les réserves d'énergie que recèle toute cette région, depuis la mer Caspienne jusqu'aux gisements d'Arabie Saoudite, d'Iran et d'Irak, les intérêts économiques dépassent de loin les milliers de vie humaines que la machine de guerre broie de loin. Aussi, à peine la sixième guerre israélo-arabe finie qu'on essaie de connaître la date de la prochaine guerre, tant il est vrai que c'est cette instabilité et cette crise permanente qui permet à l'armée US de contrôler l'exploitation et la commercialisation de l'or noir. Reste ce que peut représenter la place de l'Iran dans les cartons de Bush, voire ce qu'il a pompeusement dénommé le Grand Moyen-Orient et qui a fait illusion pendant quelque temps: on voit bien que la feuille de route est loin d'être respectée, qui voulait fixer au GMO la démocratisation du monde arabe, de l'Océan au Golfe. Le motif avancé (la démocratisation) ne fut qu'un leurre: la réalité du terrain a bien mis à nu les desseins inavoués de l'administration Bush, et qui ,consiste à faire main basse, de façon plus accrue, sur les richesses énergétiques du monde arabe. Le monde arabo-musulman, qui a connu plus d'un siècle de domination coloniale, n'a pas eu le temps, depuis les indépendances respectives, de former ses élites, d'aguerrir ses institutions et d'asseoir des infrastructures et une industrie à même de garantir à la fois une souveraineté économique, politique et technologique, accusant des retards dans ces domaines, retards renforcés par l'existence dans cette partie du monde, d'une greffe qui ne veut pas prendre, matérialisée sous la forme de l'Etat d'Israël, et qui est un élément perturbateur. D'autres éléments perturbateurs sont en train d'apparaître: d'un côté l'idéologie islamiste incontrôlable, source de terrorisme et de violence permanente et de l'autre côté, un schisme à la fois ancien et nouveau entre les chiites et les sunnites. Ce sont des sources de conflit qui jouent en faveur d'Israël et de ses alliés occidentaux, mais le comportement exemplaire du Hezbollah qui a arraché l'islamisme au terrorisme pour le restituer à la résistance, déjoue les plans israéliens, et ça c'est une nouvelle donne dans l'échiquier proche-oriental. En quelque sorte, Hassen Nasrallah, par sa maturité politique, a disqualifié Ben Laden et son comportement infantile. L'impunité dont il jouit, y compris en Palestine, est bien finie.