Une nouvelle trêve de 72 heures est entrée en vigueur hier au Soudan pour tenter d'acheminer de l'aide dans ce pays en guerre depuis deux mois, à la veille d'une conférence humanitaire à Genève. Officiellement entrée en vigueur à 06H00 locales (04H00 GMT), cette énième trêve entre l'armée, commandée par le général Abdel Fattah al-Burhane, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, intervient à la veille d'une conférence internationale à Genève sur l'aide au Soudan, parrainée par l'Arabie saoudite. Les deux camps se sont une nouvelle fois engagés à cesser tout mouvement et attaque pour laisser passer l'aide humanitaire dans l'ensemble de ce pays d'Afrique de l'Est, l'un des plus pauvres au monde, où plus de 2.000 personnes ont été tuées depuis le début de la guerre le 15 avril, selon l'ONG ACLED. L'ONU estime que plus de 2,2 millions de personnes ont été déplacées par le conflit et que 25 des 45 millions d'habitants dépendent désormais de l'aide humanitaire pour survivre. Dimanche, le Koweït a annoncé, via l'agence de presse officielle Kuna, «l'envoi de 10 tonnes d'aide humanitaire» vers le Soudan, incluant du matériel médical. Dans la matinée, Khartoum était «calme», selon des habitants.»Le problème est que les jours qui suivent la trêve sont généralement très difficiles. C'est comme si les combattants voulaient rattraper» les jours de cessez-le-feu, lâche Hana Hassan, résidente du centre de la capitale. A Omdourman, banlieue nord de Khartoum, Sami Omar dit vouloir «un cessez-le-feu complet, car une trêve ne suffit pas pour que nous retournions à nos vies.» «Ils peuvent arrêter de se battre, mais les FSR ne quitteront pas les maisons (qu'ils occupent), et passer par les points de contrôle est aussi difficile» que pendant les jours de combats, souligne-t-il. Les affrontements s'étaient intensifiés avant que les deux camps ne s'engagent à respecter la trêve dans des déclarations séparées samedi soir.»Malgré notre engagement en faveur du cessez-le-feu, nous répondrons résolument à toute violation commise par les rebelles (FSR)» pendant la trêve, a prévenu l'armée. Les paramilitaires ont pour leur part promis «d'honorer (leur) engagement en faveur d'une cessation complète des hostilités dans toutes les régions du Soudan, dans le but principal de faciliter l'acheminement d'aide humanitaire vitale aux civils.» Riyadh a menacé samedi de «reporter» les négociations sur son sol entre les deux camps «dans le cas où les parties ne respecteraient pas le cessez-le-feu de 72 heures». Ces pourparlers entamés il y a des semaines n'ont jusqu'à présent abouti à aucun accord concret. Samedi, de nouveaux civils ont été tués, ont indiqué des témoins à Khartoum. Les FSR ont accusé l'armée de cibler spécifiquement des quartiers résidentiels et affirmé avoir abattu un avion de chasse. Sur une vidéo partagée par les paramilitaires sur Twitter samedi, on peut voir des maisons en briques détruites et des couvertures qui recouvrent ce qui semble être des cadavres. Des quartiers entiers de la capitale sont privés d'eau potable et l'électricité ne fonctionne que quelques heures par semaine. La situation est encore plus alarmante au Darfour, vaste région de l'Ouest où «la violence fait rage», a alerté samedi l'ONG Médecins sans frontières (MSF). Les témoignages sur des violences de grande ampleur contre les civils s'y multiplient, et selon l'ONU, plus de 149.000 personnes ont fui vers le Tchad depuis le déclenchement du conflit armé. Le président du Tchad, le général Mahamat Idriss Déby Itno, s'est rendu dans la ville tchadienne frontalière d'Adré pour constater l'ampleur de «l'afflux de réfugiés et s'assurer de la fermeture effectives des frontières avec le Soudan», a annoncé la présidence tchadienne dans un communiqué samedi. Ces derniers jours, «6.000 personnes ont fui El-Geneina», le chef-lieu du Darfour-Ouest, pour Adré, selon MSF.»La situation est franchement accablante», a affirmé le Dr Seybou Diarra, coordinateur de MSF pour la région d'Adré, qui a reçu «622 blessés, la plupart par balle, en trois jours». Déjà dévasté dans les années 2000 par une guerre particulièrement sanglante, le Darfour se dirige vers un nouveau «désastre humanitaire» que le monde doit empêcher, avait plaidé jeudi le responsable de l'ONU pour les affaires humanitaires, Martin Griffiths. Le chef de la mission de l'ONU au Soudan, Volker Perthes désormais persona non grata à Khartoum, s'était dit mardi «particulièrement alarmé» par la situation au Darfour où les violences pourraient constituer des «crimes contre l'humanité».