La communauté internationale en est encore à se demander comment obliger Sharon à retirer ses troupes. La situation dans les territoires palestiniens occupés est dramatique et ne cesse, chaque jour, d'empirer. Outre le fait du blocus de fer maintenu sur la Cisjordanie, l'assassinat de masse, qui confine à un crime contre l'humanité, et la destruction systématique, à grande échelle, des infrastructures palestiniennes à coups de bulldozer, de tirs de missiles et de roquettes, à partir des hélicoptères de combat Apache, l'armée d'occupation israélienne anéantit ce qui reste de l'Autorité palestinienne. Si les conditions en Cisjordanie sont aujourd'hui catastrophiques, la population de Jenine est confrontée à une véritable tragédie, où des centaines de Palestiniens réfugiés dans le camp de Jenine ont trouvé la mort ces derniers jours. Ahmed Abderrahmane, le secrétaire général de l'Autorité palestinienne, estime à plus de 300 les victimes des bombardements et des destructions au bulldozer menés par Tsahal. De nombreux témoins affirment que des bâtiments ont été détruits par les bulldozers, d'autres dynamités, alors que plusieurs civils ont été exécutés dans leur logement. La direction palestinienne a accusé, hier, l'armée d'occupation «de creuser des charniers dans le camp de Jenine pour enterrer les martyrs et dissimuler les massacres». Un carnage se déroule aujourd'hui sans témoins, la presse internationale étant muselée, à Jenine et dans les villes palestiniennes occupées. Ce que relève, à Madrid, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, lorsqu'il fait part de sa «grande préoccupation» quant «à la situation humanitaire et à l'énorme souffrance des populations civiles», indiquant: «Je crains qu'aucun d'entre nous ne connaisse la pleine gravité de la situation avant d'avoir eu accès à tous les territoires qui sont actuellement le théâtre de combats», ajoutant qu'«il est évident que la situation humanitaire est très grave. Nous recevons trop de rapports indépendants pour qu'ils ne soient pas crédibles», soulignant également: «Le respect du droit humanitaire international et des organisations humanitaires est une obligation fondamentale pour toute nation qui se déclare démocratique et membre de la communauté internationale.» M.Annan a eu auparavant, rappelle-t-on, des entretiens à Madrid, en marge de la conférence de l'ONU sur le vieillissement, avec le secrétaire d'Etat américain, le général Colin Powell, le ministre russe des Affaires étrangères, Igor Ivanov, le chef de la diplomatie espagnole, Josep Piqué, (l'Espagne assurant la présidence tournante de l'UE) et le chargé de la diplomatie de l'Union européenne, Javier Solana. A Madrid, l'ONU, les USA, l'UE et la Russie réitèrent, pour la énième fois, à Sharon, la demande de procéder à «un retrait immédiat» sans, cependant, faire accompagner cet appel d'éventuelles sanctions contre Israël. Jusqu'ici, Sharon est resté sourd à toutes les suppliques, venues des amis et alliés d'Israël, poursuivant imperturbable la destruction de l'Autorité palestinienne, caution du futur Etat de Palestine. Si la communauté internationale admet qu'il ne saurait y avoir de paix durable au Proche-Orient qu'avec l'existence de deux Etats (Israël et la Palestine) elle ne fait rien, pour autant, pour faire se conformer toutes les parties, y compris Israël, aux résolutions de l'ONU, particulièrement la résolution 242 de juin 1967. Dans la partie qui se joue aujourd'hui dans les territoires palestiniens occupés, l'objectif de Sharon est clair : obtenir un nouveau répit qui n'oblige pas Israël à se conformer aux conditions de l'instauration de la paix dépendant de la création de l'Etat de Palestine. Dans cette optique, le chef du gouvernement israélien a choisi de détruire le symbole de cet Etat en devenir, l'Autorité autonome, de mater la résistance palestinienne et ce, en vue de ramener la situation à ce qu'elle était avant la signature des accords d'Oslo de 1993. Logique avec lui-même et avec la vision qu'il se fait de la paix et de la sécurité pour Israël, Sharon ne veut pas d'Etat de Palestine aux côtés d'Israël, et s'est donné les moyens pour rendre le fossé, entre les communautés juive d'Israël et arabe de Palestine, infranchissable. Aussi, selon lui, l'opération «Rempart», forte des expériences des guerres de Six-Jours (juin 67) et de Ramadhan (octobre 73), donnera à l'Etat hébreu une période d'au moins une décennie de paix et de quiétude qui renverra aux calendes grecques l'érection de l'Etat de Palestine. Dès lors, seule une position ferme de la communauté internationale, concrétisée par l'envoi immédiat d'une force internationale d'interposition de l'ONU, laquelle se positionnera sur les lignes de partage (existantes à la veille de la guerre de Six-Jours) mettra en échec les plans de Sharon. La détermination sanglante de Sharon et de l'armée israélienne à éliminer tout Palestinien qui s'opposera à leur diktat est suffisamment avérée pour inciter la communauté internationale à agir vite.