D'emblée l'on reconnaît le style de Zaimeche qui travaille toujours en groupe avec sa fratrie. Le temps n'a pas de limite dans ses films. Le côté brute est toujours omniprésent. L'aspect démonstratif aussi. L'on peut adhérer ou pas. Zaïimeche parle bien de ses films, ses phrases sont poétiques comme certains de ses plans. Mais il faut s'accrocher et surtout avoir de la patience pour suivre son récit qui peut être parfois vide ou lent. L'argent contre les instants fragiles de la vie. L'humanisme est sans doute la revendication bouclière de ses films qui préfèrent mettre en lumière les gens ordinaires plutôt que les flics et leur enquête. Ces derniers sont là. Le film s'ouvre sur un meurtre. Une église, un recueillement et puis ce chant funèbre de cette femme. Un morceau interprété dans sa totale longueur. Le ton est donné. Celui du rythme que Zaimeche se plait souvent à insuffler à ses plans. Ses personnages sont fragiles mais semblent prendre leur contre- poids de la misère. Ils exultent d'une certaine manière. Zaïimeche les célèbre à l'image ce groupe de gangsters de la cité des bois du temple. D'où est tiré le titre de son nouveau film: «Le gang des bois du temple». Un militaire à la retraite vit dans le quartier populaire des bois du temple. Au moment où il enterre sa mère, son voisin bébé, qui appartient à un groupe de malfaiteurs de la cité, s'apprête à braquer le convoi d'un richissime prince arabe. Inspiré d'un fait divers, Zaimeche laisse courir ses robins de bois des temps modernes à sa guise dans une géographie toujours trouble et urbaine, froide, défraîchie d'émotion en apparence, une mise en scène dans un décor violent et sec. Un corpus méditatif sur fond de colère. Violence et chimère humaine Mais Zaïimeche aime contrebalancer cette violence des gestes par une certaine psychologie des abîmes des âmes blessées, qui laisse dévoiler l'humain qui se cache derrière la face cachée de ce microcosme, balayé par cette caméra à l'épaule. Paradoxe où l'on cherche à comprendre sans juger. Zaïimeche est un être à part dans le paysage cinématographique français. Son cinéma est un zest violent, métallique. Brut, masculin. Un film de genre qui ne peut plaire à tout le monde. Zaïmeche a le souci du détail. Son regard est acerbe et désincarné à la fois. Ou le contraire? La mort lente est là aussi. Faudrait-il la supporter, la tolérer ou lui tordre le cou? Zaïimeche, nous secoue, nous énerve. Il a son cinéma à lui avec ses à-côtés qui prennent des allures de grandiloquence intello qui fait la part belle à la critique mélancolique. Un cinéma à part. Et c'est cela son défaut surtout. Car beaucoup ont quitté la salle. Et c'est en même temps compréhensible. Car la grisaille intérieure est difficile à supporter, à la regarder en face. Passons! Juste avant, quatre court métrages ont été projetés à la cinémathèque de Béjaia. Un point commun les relie: le thème du corps et puis la poisse peut être du rendez-vous manqué...Ce dernier est bien palpable dans le court métrage «La fille de mon quartier» (28 mn) du réalisateur algérien Amar Si fodil, qui vient d'être primé au dernier festival de la littérature et du fil m féminin de Saïda. C'est l'histoire d'Anya (Ourdia Maafa), une jeune et jolie jeune fille qui vit avec sa mère dépressive dans un appartement. Sami (Ali Namous) son voisin d'immeuble, parkingeur de son état est amoureux d'elle. Mais elle, n'a d'yeux que pour Mounir. Avortement et cancer du sein Son histoire d'amour est contrariée par un accident de taille. Anya se retrouve enceinte...C'est la descente aux enfers pour elle. Amar Si fodil traite là un sujet des plus taboux dans notre société algérienne conservatrice. Son film mérite d'exister malgré quelques maladresses où l'on sent les acteurs surjouent par moment ou mal. Le corps est également présent dans un autre film, égyptien cette fois, celui d'Ahmed Nader. Ce dernier met en scène une jeune fille prostituée qui découvre qu'elle a un cancer au sein et décide de ne pas se faire opérer au risque de perde son métier... Avant d'arriver au bloc opératoire elle fait ce rêve de se faire rejeter par un de ses clients et prend la décision de se sauver de l'hôpital. Le réalisateur aborde un sujet sensible, celui de la prostitution certes, tout en le balayant en mettant l'accent sur un tabou parfois encore plus grave, celui de la femme qui se retrouve souvent marginalisée quel que soit son statut social du fait qu'elle ait un cancer et se fait même rejeter parfois y compris par son mari, quand une partie de sa féminité vient à manquer. Le cancer du sein n'est pas toujours facile à dire. Le réalisateur le traite différemment, sous un angle novateur. Un peu audacieux. Mais la problématique est universelle car touchant à l'intime.Dans «Nya», Imène Ayadi, plante son décor dans l'Algérie de la décennie noire. Nous sommes en 1994. Anya, une petite fille de huit ans, vivant àvec sa tendre mamam (Meryem Medjkane) s'apprête à passer la fête du Mouloud sans son père, journaliste parti,en mission professionnelle. La disparaition du père de sa meilleure amie vient faire éclater sa bulle d'innocence et la contraindre à appréhdender le contexte dans lequel elle évolue. L'on retrouve dans ce film une autre comédienne en second plan et quelle comédienne! Amel Kateb qui vient renforcer aussi cette histoire par son jeu rappelant que la mort touchait de nombreuses personnes...Dans le débat qui a suivi le film, la réalisatrice, avouera que le sujet principal de son film était «l'enfance, l'insouciance. Ces moments où les enfants peuvent avoir des traumatismes qui peuvent être invisibles et qui peuvent rester, voire même surgir, plus tard à l'âge adulte. Le sujet secondaire traité était, «jusqu'où on peut raconter à un enfant ce qui se passe...» Sensible et délicat, est le film d'Imene Ayadi qui filmera en tout cas ses personnages avec une infinie délicatesse et tendresse et saura traiter son sujet avec justesse, sans nous plonger à notre tour dans nos souvenirs de la décennie noire. Son film est d'ailleurs marqué par une image d'archive qui vient se planter comme une madeleine de Proust pour nous rappeler ce passé amer pas si lointain et avec lequel la société algérienne continue à composer avec, n'a pas fini encore de régler ses comptes avec lui malgré les apparences de paix et de stabilité fragile qui y règne. Un film nécessaire et beau à la fois. De la beauté encore, on la retrouvera dans le court métrage «Le jour où j'étais perdu» de Soufiane Adel (30 mn France) qui en est à son 13 eme film court. Un film prenant qui aborde le sujet du transhumanisme non sans habiller son récit d'un esthétisme au design fulgurant! La sonde voyageuse apprête à quitter notre système solaire. Au même moment, sur Terre Alain Diaw commence son premier jour de travail dans une grande entreprise automobile. Il est noir de peau, jeune et a des idées futuristes qui pourraient sembler à la fois incroyables tout en faisant peur à la fois, surtout lorsqu'on fait le parallèle aujourdhui avec l'avancée de l'intelligence artificielle qui un jour viendra supplanter le corps humain et l'homme dans les choix de ses mouvements et son travail au quotidien. C'est là où le thème du corps fait sens dans ce film car il est adoubé à une double problématique. Du racisme à l'esthétisme... Le racisme en premier lieu car le jeune directeur est confondu avec un simple agent de nettoyage en raison de la couleur de sa peau au départ, ensuite, parce que ce dernier voit en la voiture du futur comme le pendant de l'être humain dans sa capacité à se mesurer à lui et le supplanter. A penser quasiment à sa place...Notons que le titre du film n'est pas du tout fortuit, comme l'expliquera le réalisateur lors du débat. En effet, cela renvoie au titre du livre de James Baldwin: «Le jour où j'étais perdu. La vie de Malcom X: un scénario». En 1965, peu après l'assassinat de Malcom X, Colombia Pictures achète les droits cinématographiques de l'autobiographie et approche Baldwin pour lui demander d'en tirer un scénario. Coup de théâtre! Colombia envisage de recourir au viel artifice hollywoodien en faisant appel au blackface, c'est-à-dire en prenant un Blanc pour jouer le rôle principal en le grimant de couleur noire. Baldwin qui refuse d'écrire le scénario, se résous alors à publier le texte sous forme de livre.... Le film de Soufiane Adel, donne le ton en montrant le visage angélique de ce jeune directeur qui crève l'écran, tout en lui collant des idées actuelles, qui s'associent au débat d'aujourd'hui..Son film est une vraie pépite car il adjoint la beauté du contenu au message qu'il dilue dans un magma d'outils sensoriels où le cinéma a toute sa place avec maestria. Vertigineux!