Dans une conférence prononcée dans une université allemande mardi dernier, Benoît XVI a repris les propos de l'empereur byzantin Manuel II qui accusait « le prophète Mohamed d'avoir semé le Mal et l'inhumanité, et ce, en choisissant de diffuser son enseignement par la force ». Il a ajouté : « Dieu est absolument transcendant, sa volonté n'est liée à aucune de nos catégories, pas même celle de la raison », avant de condamner le « Djihad et autres conversions passant par la violence ». Sans tarder, les propos du souverain pontife ont suscité de vives condamnations de la part des représentants des communautés musulmanes en Occident et dans le monde arabe. Hier, un responsable musulman italien a demandé à Benoît XVI de « retirer ce qu'il a dit », au moment même où un membre du conseil central des musulmans d'Allemagne avait jugé que « l'église catholique était mal placée pour critiquer l'Islam, après s'être laissée récupérer par le régime nazi ». A Paris, où le dialogue des civilisations défendu par Jacques Chirac réunit depuis hier plusieurs personnalités religieuses et intellectuelles des deux rives de la Méditerranée et de l'Orient, les déclarations du pape ont jeté un froid glacial parmi les participants. Hier, la Mosquée de Paris avait demandé des « clarifications » sur ce qui a été dit, tandis que le porte-parole du ministère des Affaires étrangères pakistanais a indiqué que « les paroles de Benoît XVI reflètent sa méconnaissance de l'Islam », qualifiant au passage ses propos « d'irresponsables ». Craignant de provoquer une crise semblable à celle des caricatures, les porte-parole du Vatican se sont empressés à réparer les dégâts, en précisant notamment que « Benoît XVI n'avait pas eu l'intention de se livrer à une étude approfondie sur le Djihad et de la pensée musulmane sur la question, et encore moins d'offenser la sensibilité des croyants musulmans ». Des déclarations qui semblent arriver un peu tard, car à écouter et à lire les réactions venant des pays arabes, on comprend vite que le mal est déjà fait. Hier, le Parti islamiste koweïtien a demandé à tous les pays musulmans de « rappeler leurs ambassadeurs auprès du Vatican et ce jusqu'à ce que le pape présente ses excuses pour le tort porté au Prophète et à l'Islam ». Les Frères musulmans égyptiens, par le biais de leur guide suprême, ont aussi pressé les Etats musulmans d'envisager une rupture de leurs liens avec le Vatican si le pape ne présente pas ses excuses à la communauté musulmane. « Benoît XVI a versé de l'huile sur le feu, ravivé la colère de l'ensemble du monde musulman et renforcé l'argument qui consiste à dire que l'Occident est hostile à tout ce qui est musulman », a déclaré Mohamed Mehdi Akef, guide suprême des Frères musulmans. Il a enchaîné : « Les déclarations du pape ne traduisent pas une vraie compréhension de l'Islam, mais sont l'extension des idées fausses et déformées fréquentes à l'Ouest. » A Ankara, le président du conseil turc, Ali Bardakoglu, a jugé les propos du pape « tout à fait regrettables et inquiétants à la fois pour le monde chrétien et pour la paix commune de l'humanité ». Alors qu'une visite de Benoît XVI est prévue en Turquie en novembre prochain, ses déclarations risquent fort de compromettre ce voyage et dresser, à nouveau, un mur de haine et d'indifférence entre le monde musulman et chrétien.