La rancune que tiennent les Turcs au souverain pontife n'est pas due uniquement à ses déclarations offensantes pour la religion musulmane, mais également au fait qu'il se soit prononcé contre l'adhésion de leur pays à l'Union européenne du temps où il n'était que le cardinal Josef Ratzinger. Des mesures de sécurité draconiennes ont été prises par les autorités turques pour éviter tout incident durant la présence du souverain pontife dans leur pays, qu'il quittera vendredi prochain après un séjour de quatre jours. Benoît XVI n'est certainement pas le bienvenu à Istanbul, comme le lui ont fait savoir dimanche les quelque 25 000 manifestants, chiffre avancé par la police, qui ont publiquement exprimé de voir la visite du pape annulée. Il n'en est rien. Le souverain pontife arrivera aujourd'hui dans la vieille Constantinople, dans des conditions de sécurité extraordinaire. Selon le ministre turc des Affaires étrangères, Abdullah Gùl, la sécurité du pape Benoît XVI lors de son voyage en Turquie, du 28 novembre au 1er décembre, mobilisera davantage de membres des forces de l'ordre que celle du président américain George W. Bush. “Les mesures de sécurité adoptées pour le pape en Turquie sont plus élevées que celles prises pour le président George W. Bush”, a-t-il déclaré. “Nous utiliserons tous nos services de sécurité, sans aucune exception, pour protéger Sa Sainteté et assurer le bon déroulement de la visite d'un (...) illustre leader d'un milliard de croyants”, a ajouté le chef de la diplomatie turque. Il ne manquera pas de dire avec certitude : “Il n'y aura pas d'incidents. Nous ne pouvons pas oublier ce qui s'est produit place Saint-Pierre en 1981. Malheureusement c'était un citoyen turc qui a tiré sur Jean-Paul II.” 12 000 policiers, certains positionnés sur les toits, seront mobilisés à Istanbul, au cours de la présence du pape. Les manifestations monstres contre cette visite, qu'ont connues plusieurs villes turques, ont conforté les responsables de la sécurité dans leur option de tout verrouiller. Il faut dire que les pancartes soulevées par les manifestants comportaient des slogans très hostiles à Benoît XVI. “Représentant de la haine”, “Ambassadeur de l'impérialisme mondial”, “Du respect pour le prophète, pape !” , “Pape ignorant, apprend ta propre histoire !” et “Pape, rentre chez toi !”, était écrits sur les banderoles brandies. Dans le but de rectifier le tir et d'amadouer les Turcs, un porte-parole du Vatican a déclaré à l'agence de presse turque Anatolie que la Turquie devrait être autorisée à entrer dans l'Union européenne si elle remplit tous les critères fixés par les 25. Il a rappelé que le Vatican n'avait jamais fait de déclaration officielle concernant les aspirations de la Turquie à entrer dans l'UE et que la décision finale dans ce domaine revenait à l'Union européenne. Une manière de faire oublier la position prise à titre personnel par le pape, il y a quelques années. Ceci étant, le plus haut dignitaire religieux turc a estimé que la visite de Benoît XVI “est malgré tout un bon pas” mais ce n'est pas suffisant pour réparer la “rancœur” des musulmans après la violente polémique déclenchée par ses propos sur l'islam. “Après tout ce qui s'est passé, la visite du pape est malgré tout un bon pas. Mais il ne faut pas considérer ce déplacement (...) comme un pas suffisant pour ouvrir jusqu'au bout la porte du dialogue et qui répare la rancœur après la déclaration malencontreuse”, a affirmé Ali Bardakoglu, directeur du département des affaires religieuses auprès du gouvernement turc. K. ABDELKAMEL