La Charte n'a, à aucun moment, prévu une amnistie générale et encore moins un éventuel retour sur la scène politique des chefs de l'ex-FIS. Les chefs de l'ex-FIS sont autorisés par la Constitution à retrouver le terrain politique. Une déclaration de trop de Boudjerra Soltani, après une décennie de sang et de feu. Après le retour embarrassant de Rabah Kebir, chef de l'instance exécutive de l'ex-FIS, le président, à la fois, du MSP et de l'Alliance présidentielle, approuve Rabah Kebir et ses compagnons à reconquérir les tribunes de la politique. Cette fois-ci, Boudjerra Soltani est allé jusqu'à prendre le taureau par les cornes. Il est déjà le premier, après les membres de l'ex-FIS, à commencer par Madani Mezrag et Anouar Haddam, à avoir revendiqué les «droits politiques» des terroristes. A quoi joue le président du Mouvement de la société pour la paix? Boudjerra Soltani va carrément à contre-courant de ce que stipule la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Car le texte n'a, à aucun moment, prévu une amnistie générale et encore moins un éventuel retour sur la scène politique des dirigeants de l'ex-FIS. Approché, hier, en marge d'une journée de solidarité avec la Rasd à Alger, le président du MSP a tenté de rectifier le tir en disant que «Rabah Kebir n'a pas revendiqué le retour du FIS sur la scène politique.» En d'autres termes, les chefs du FIS dissous ont le droit d'exercer la politique mais pas sous la casquette de leur ancien parti, interdit de réapparaître par la force de la loi. Boudjerra Soltani vient d'élever cette revendication au rang des conditions de la réussite de la réconciliation et se met désormais dans la peau de l'un des partisans du retour du FIS sous un autre sigle. Cela nous rappelle le cas du parti de Taleb Ibrahimi, ex-ministre des Affaires étrangères qui s'est vu privé de l'agrément pour «avoir fait appel à des personnalités de l'ex-FIS.» Selon Boudjerra Soltani, «la réconciliation nationale est un processus vers la paix non pas une décision politique.» Ce qui veut dire que les délais fixés par la charte, mais approuvés par les Algériens, ne figuraient, éventuellement, que pour remplir un vide dans un texte aussi délicat. Il ira aussi plus loin en disant que les délais de la charte sont applicables jusqu'à 2009, soit la fin du mandat du président, «ou même plus loin». Le premier magistrat du pays, pour qui le retour à l'ère de la décennie noire est définitivement exclu, est, appelé à couper court au débat en réaffirmant sa position non-favorable à la réapparition du FIS. Quand le chat n'est pas là, les souris dansent. La position de Boudjerra Soltani pourrait même provoquer une passe d'armes dans la maison de l'Alliance présidentielle, secouée déjà par des divisions qui s'étalent sur toutes les tables. Il est allé ainsi piquer au vif Ahmed Ouyahia, un éradicateur d'hier et réconciliateur «par respect» d'aujourd'hui. Le président du MSP se dit prêt à recevoir Rabah Kebir dans les locaux de son parti si ce dernier va réclamer audience. «C'est son pays, il revient chez lui et qu'il soit le bienvenu», soutient derechef le successeur de Cheikh Nahnah. Si le FIS dissous, ou, du moins, ses ex-dirigeants, reviennent sur la scène politique, cela ne pourrait être que synonyme d'une transgression pure et simple de la charte. Sa bénédiction, selon ses textes, ne sera jamais applicable sur les personnes ayant les mains entachées de sang et les commanditaires des massacres contre les Algériens. Madani Mezrag, chef de file de la branche armée du FIS, a même conditionné la réussite de la Charte par une amnistie et un nouvel agrément au profit de l'ex-FIS. En attendant le bilan de la charte et la décision du président Bouteflika quant à l'avenir des autres terroristes, la polémique s'accentue sur le retour de l'ex-FIS. Ses chefs avaient l'habitude de se référer à l'accord qui, d'après eux, a été signé avec l'armée en 1997. A les entendre, ledit accord stipule une trêve et un cessez-le-feu conditionnés par l'amnistie de tous les éléments de l'ex-FIS sans fixer le moindre délai, mais surtout leur retour sur la scène politique. Vrai ou faux? En tout cas, le peuple algérien, victime de toute une décennie de sang et de feu, n'a jamais été mis au courant d'un tel accord.