Les intervenants aux débats relèvent un manque d'efficacité dans la gestion des ressources de l'Etat. La répartition des richesses du pays reste défaillante. C'est le constat présenté par l'ancien chef de gouvernement, M.Ahmed Benbitour qui s'exprimait, jeudi dernier, au forum des débats d'El Watan sur la question capitale «où va l'argent du pétrole?» Se basant sur un calcul bien précis des recettes pétrolières des hydrocarbures et des dépenses publiques, l'ancien no1 du gouvernement affirme que 1630 milliards de dinars soit l'équivalent de 22 milliards de dollars, ne sont pas exploités. Certes, des budgets faramineux ont été consacrés à absorber le déficit en matière de dépenses publiques et le remboursement de la dette extérieure, mais cela ne traduit pas, pour lui, que tout l'argent du pétrole a été pompé. Avec des recettes pétrolières estimées à plus de 45 milliards de dollars en 2005 et un matelas de réserves de change de 65 milliards de dollars, Benbitour doute fort que l'Etat n'a pas entièrement exploité cette rente dans le développement de la machine économique. Benbitour est allé loin dans son intervention pour relever quelques remarques négatives sur le système économique. D'un point de vue critique, l'ancien chef de gouvernement trouve que les résultats enregistrés sur la croissance économique sont insuffisants. Vu les sommes importantes déboursées dans les programmes de développement économique, on s'attendait à des résultats plus performants. «Nous avons une économie vulnérable mais malheureusement elle reste dépendante des hydrocarbures», déplore-t-il devant une importante assistance. Décryptant la situation économique et sociale des Algériens qu'il qualifie de préoccupante, Benbitour craint le pire: «Avec l'écart qui existe entre les couches sociales, la société risque de connaître une très forte dichotomie dans les années à venir», précise-t-il. La pauvreté pousse à la révolte qui est synonyme de l'impasse et non pas à la conscience. De ce fait, suggère le conférencier, il y a deux défis dont l'urgence oblige à les relever. Il s'agit explique-t-il, de la nécessité d'une intervention publique dans l'urgence sociale et la nécessité de construire des institutions politiques démocratiques plus solides. Le conférencier pense, également, qu'il faut engager toute une nouvelle politique économique et non pas des programmes, allusion aux programmes de développement de la relance économique. M.Ahmed Benbitour considère que l'Algérie a tous les moyens pour réussir, mais qu'il faut, au préalable, «régler la contrainte politique». Pour lui, l'Algérie qui fera face à son destin dans quelques années, devrait saisir l'occasion pour refaire son système. Le système politique en place est, indique t-il, en cours de vieillissement. Quelles que soient l'efficacité et la performance d'un système politique, s'il ne s'adapte pas au nouvel environnement, il est condamné. Intervenant de son côté, M.Hocine Benissad, économiste, reproche à l'Etat d'avoir trop investi dans le domaine administratif au lieu de se baser sur le développement d'une stratégie industrielle. Il est vrai que ces investissements permettront de rattraper le retard en matière d'infrastructures, cependant ils ne sont pas créateurs de richesses. Le plus important, souligne-t-il, n'est pas de savoir combien on a investi, mais plutôt combien on a dépensé utilement. Cela ne traduit en aucun cas que les programmes engagés par l'Etat sont inutiles, mais demeurent néanmoins, insuffisants. «La réindustrialisation du pays est la base de la création de richesses et représente un élément crucial pour la préparation de l'après-pétrole», persiste le conférencier. Développant ses arguments, il dira que l'équilibre des importations et des exportations n'est possible que lorsque la stratégie industrielle est solide. Abordant la question de la privatisation et de l'ouverture du marché, l'expert expliquera que l'Etat ne doit pas se désengager de son rôle de régulateur du marché. Enfin, l'ancien gouverneur de la Banque d'Algérie, M.Abderahmane Hadj Nacer, a relevé les contraintes auxquelles fait face le secteur bancaire. «La réforme du système bancaire est devenue quasiment impossible puisqu'il dépend du système de l'Etat», a-t-il résumé.