Une enseignante a dû changer de matière d'enseignement pour pouvoir se rapprocher du domicile familial. La vulgarisation des méthodes contraceptives et la généralisation de la politique d'espacement des naissances, ont eu un impact négatif sur la scolarité dans les zones rurales. L'exode vers les villes et les centres urbains s'est développée avec un rythme soutenu ces dernières années, pour aggraver davantage la situation, en dépit des efforts consentis par l'Etat pour le désenclavement et le développement de la zone rurale. Se sentant à l'étroit, les montagnards partent de plus en plus nombreux s'installer en ville en quête d'une vie moins contraignante. Face à la cherté de la vie, l'Algérien procrée de moins en moins. Conséquence: une quarantaine d'établissements scolaires du premier cycle ont été désertés en l'espace de trois années. En 2004, 10 écoles primaires ont fermé leurs portes dans la zone rurale, faute d'élèves. Se retrouvant avec des divisions pédagogiques de moins de 10 élèves, les autorités compétentes avaient décidé de les fermer temporairement. Le phénomène prend rapidement de l'ampleur, puisque 18 autres établissements connaîtront le même sort en 2005. Cette année, ce sont une douzaine d'écoles supplémentaires à mettre, malheureusement, la clé sous le paillasson. Le problème reste d'actualité. Se posant avec davantage d'acuité, il implique des conséquences désastreuses, aussi bien pour les parents que pour les enseignants. Une triste réalité qui engendre pour les parents des dépenses supplémentaires pour le déplacement de leur progéniture. Et lorsque le transport scolaire fait défaut, c'est toute une scolarité qui se voit perturbée se soldant parfois par des abandons et des échecs répétitifs. Lorsqu'une école met la clef sous le paillasson, les élèves sont, en effet, réorientés vers d'autres groupements scolaires les plus proches. Il en est de même pour les enseignants qui se voient, par conséquence, soumis aux mêmes difficultés que leurs élèves. Si l'Etat met à la disposition des élèves des moyens de transport via les APC, ce n'est pas toujours le cas pour le maître, celui qui dispense le savoir, qui est tenu de se débrouiller seul face à la situation. Là, apparaît alors le système «D». S'il en est des astuces qui permettent à l'enseignant d'être à l'heure dans les salles de classe, à l'image de l'hébergement sur place, il n'en est pas de même pour d'autres, ce qui se traduit négativement sur la scolarité des élèves. Face au manque flagrant de moyens de transport, les fonctionnaires travaillant dans les écoles primaires rurales ont aussi recours au covoiturage pour se rendre sur les lieux de leur travail. C'est là l'une des solutions trouvées pour parer à l'insuffisance et parfois l'inexistence du transport public. Mais cette solution n'est pas toujours valable puisque rares sont les enseignants qui possèdent leur propre moyen de locomotion et ce, malgré les facilités de paiement accordées dans le cadre des dispositifs de financement mis en place par les oeuvres sociales de l'Education nationale. L'hébergement dans les écoles n'est pas une solution qui arrange tout le monde, notamment les pères de famille. C'est pourquoi on a recours, très souvent, aux solutions simplistes. Le congé de maladie ou de «complaisance» sont alors là pour justifier des absences récurrentes. Le directeur d'une école primaire nous a avoué faire face, chaque année, à ce phénomène né des affectations hasardeuses dont use l'administration de l'éducation. «J'ai eu à vivre moi-même ce calvaire» dit-il, «le poste vacant existant dans l'école de mon village a été attribué à un autre enseignant, lui aussi, contraint à un déplacement quotidien de plusieurs kilomètres» explique-t-il. Aujourd'hui encore, les enseignants du primaire et à un degré moindre, ceux du moyen et du secondaire, font face au même problème. Le congé de maladie vient en solution afin d'éviter des sanctions administratives. «J'ai passé six mois de l'année scolaire en maladie» avoue cet enseignant pour une histoire d'affectation jugée «arbitraire». «Après la suppression du poste que j'occupais l'an passé en raison de l'absence d'élèves, j'ai sollicité un poste non loin de chez moi, il m'a été refusé» soutient-il avant d'ajouter «je n'avais de choix alors que de prendre un congé de maladie, seul moyen pour éviter des sanctions administratives pouvant induire ma radiation du corps des enseignants.» Pour une histoire d'affectation mal réfléchie, des centaines d'élèves sont ainsi privés de cours durant plusieurs mois dans l'année. Et depuis les fermetures des écoles rurales qui se multiplient en raison du manque d'effectif, la situation s'est encore aggravée. Il arrive même que des établissements soient privés de responsables pour la même raison. Fort heureusement, certains responsables innovent en matière de solution, comme l'affirme ce maître d'école dans un village reculé: «Mon directeur m'a concocté un emploi du temps hebdomadaire qui me permet d'assurer les cours normalement» qui explique qu'il «commence les cours à 10 heures pour finir à 15 heures». Une solution valable même si quelque part, elle porte également préjudice aux écoliers. Mais conclut-il, «il vaut mieux ça que rien». Une autre enseignante a dû même changer complètement de matière pour pouvoir se rapprocher du domicile familial. La «délocalisation» d'élèves et de leurs enseignants née de la fermeture de nombreuses écoles primaires dans les villages, n'arrange pas les affaires de tout le monde et vient aggraver le dépérissement de la scolarité des montagnards déjà malmenée, en raison du peu de moyens mis à la disposition de l'école. Avec le Ramadhan et ses veillées nocturnes, le tableau ne sera que plus noir.