En dépit des efforts consentis par l'Etat pour le désenclavement et le développement de la zone rurale, les montagnards se sentent à l'étroit. Nos campagnes se vident. Les écoles qui ferment l'une après l'autre, en sont la meilleure preuve. La vulgarisation des méthodes contraceptives, la généralisation de la politique d'espacement des naissances et le mariage de plus en plus tardif ont eu un impact négatif sur la scolarité dans les zones rurales. Mais c'est surtout l'exode vers les villes et les centres urbains, qui, se développant à un rythme soutenu, a fini par aggraver davantage la situation. Nos villages tendent à devenir des lieux de résidences secondaires. On ne s'y rend qu'en été ou durant les périodes de vacances. En dépit des efforts consentis par l'Etat pour le désenclavement et le développement de la zone rurale, les montagnards se sentent à l'étroit. Ceux qui ont les moyens partent de plus en plus s'installer en ville en quête d'une vie moins contraignante. Le fort taux de change de la devise aidant, les villageois n'hésitent même plus à s'installer en ville ignorant toutes les conséquences négatives parmi lesquelles ces centaines d'écoles primaires qui sont désertées en montagne. En ville, l'inverse est inévitable. Les établissements sont surchargés. Ce phénomène a commencé durant les années 2000. Dix écoles primaires puis 20 l'année suivante, ont fermé leurs portes dans la zone rurale de Béjaïa, faute d'élèves. Avec des divisions pédagogiques très réduites, on ferme les écoles temporairement au départ. Des fermetures qui deviennent finalement définitives. Depuis, elles sont une douzaine d'écoles supplémentaires à mettre, malheureusement, la clé sous le paillasson. Le problème reste d'actualité à travers toutes les régions du pays. Se posant avec davantage d'acuité, il implique des conséquences désastreuses, aussi bien pour les parents que pour les enseignants. Une triste réalité engendrant des dépenses supplémentaires pour les parents lors du déplacement de leur progéniture. Et lorsque le transport scolaire fait défaut, c'est toute une scolarité qui se voit perturbée se soldant parfois par des abandons et des échecs répétitifs. Lorsqu'une école ferme, les élèves sont, en effet, réorientés vers d'autres groupements scolaires les plus proches. Il en est de même pour les enseignant qui se voient, par conséquence, soumis aux mêmes difficultés que leurs élèves. Si l'Etat met à la disposition des élèves des moyens de transport via les APC, ce n'est pas toujours le cas pour l'enseignant, contraint à se débrouiller seul face à la situation. Apparaît alors le système «D». S'il en est des astuces qui permettent à l'enseignant d'être à l'heure dans les salles de classe, à l'image de l'hébergement sur place, il n'en est pas de même pour d'autres, ce qui se traduit négativement sur la scolarité des élèves. Face au manque flagrant de moyens de transport, les fonctionnaires travaillant dans les écoles primaires rurales ont aussi recours au covoiturage pour se rendre sur les lieux de leur travail. C'est là l'une des solutions trouvées pour parer à l'insuffisance et parfois l'inexistence du transport public. Mais cette solution n'est pas toujours valable puisque rares sont les enseignants qui possèdent leur propre moyen de locomotion et ce, malgré les facilités de paiement accordées dans le cadre des dispositifs de financement mis en place par les oeuvres sociales de l'éducation nationale. L'hébergement dans les écoles n'est pas une solution qui arrange tout le monde, notamment les pères de famille. C'est pourquoi on a recours, très souvent, aux solutions simplistes. Le congé de maladie ou de «complaisance» justifie alors les absences récurrentes. Le directeur d'une école primaire nous a avoué faire face, chaque année, à ce phénomène né des affectations hasardeuses dont use l'administration de l'éducation. «J'ai eu à vivre moi-même ce calvaire» dit-il, «le poste vacant existant dans l'école de mon village a été attribué à un autre enseignant, lui aussi, contraint à un déplacement quotidien de plusieurs kilomètres» explique-t-il. Aujourd'hui encore, les enseignants du primaire et à un degré moindre, ceux du moyen et du secondaire, font face au même problème. Le congé de maladie vient en solution afin d'éviter des sanctions administratives. «J'ai passé six mois de l'année scolaire en maladie» avoue cet enseignant pour une histoire d'affectation jugée «arbitraire». «Après la suppression du poste que j'occupais l'an passé en raison du manque d'élèves, j'ai sollicité un poste non loin de chez moi, il m'a été refusé» soutient-il avant d'ajouter que «je n'avais de choix alors que de prendre un congé de maladie, seul moyen pour éviter des sanctions administratives pouvant induire ma radiation du corps des enseignants.» Pour une histoire d'affectation mal réfléchie, des centaines d'élèves sont ainsi privés de cours durant plusieurs mois dans l'année. A ce sujet, il est utile de s'interroger sur la crédibilité des médecins qui octroient des congés de maladie et du rôle des services de la Cnas sans parler des préjudices subis par le Trésor public. Et depuis, les fermetures des écoles rurales qui se multiplient en raison du manque d'effectif, la situation s'est encore aggravée. Il arrive même que des établissements soient privés de responsables pour la même raison. Fort heureusement, certains responsables innovent en matière de solution, comme l'affirme ce maître d'école dans un village reculé: «Mon directeur m'a concocté un emploi du temps hebdomadaire qui me permet d'assurer les cours normalement» qui explique qu'il «commence les cours à 10 heures pour finir à 15 heures». Une solution valable même si quelque part, elle porte également préjudice aux écoliers. Mais conclut-il, «il vaut mieux ça que rien». La «délocalisation» d'élèves et de leurs enseignants née de la fermeture de nombreuses écoles primaires dans les villages, n'arrange pas les affaires de tout le monde et vient aggraver le dépérissement de la scolarité des montagnards déjà malmenée, en raison du peu de moyens mis à la disposition de l'école.