Le pape n'a pas pensé à présenter des excuses aux 22 ambassadeurs musulmans. Deux représentants de l'évêché d'Alger face à deux représentants du culte musulman sur les ondes de la Radio ChaîneI. Est-il possible de parler de dialogue des religions après les propos désobligeants du pape envers l'Islam? Le pape a rencontré, hier, les ambassadeurs de 22 pays musulmans à Rome. A l'issue de cette rencontre d'explication ou de réconciliation, le pape Benoît XVI a invité les musulmans et les chrétiens à «travailler ensemble», «pour se garder de toute forme d'intolérance et s'opposer à toute manifestation de violence», sans s'excuser. Le représentant de l'Eglise catholique en Algérie, Jean Toussaint, qui parlait au nom de Mgr.Tessier, a rappelé la position de l'Eglise, tout en soulignant que les paroles du pape «ne sont pas divines» et que les Chrétiens ont le droit de dire ce qu'ils pensent. Mohamed Benbrika, universitaire et représentant de la Qadiria, relève les antécédents de Benoît XVI pour prouver que sa déclaration n'est pas une exception. Alors que Thierry Beker essaie d'arrondir les angles en disant que les propos du pape n'étaient pas destinés à porter atteinte à l'Islam. Il aura fallu attendre l'arrivée tardive de Cheikh Bouamrane pour voir le débat prendre une autre tournure. Le président du Haut conseil islamique (HCI) a carrément monopolisé la parole. L'animatrice a dû déployer des efforts monstres pour parvenir à distribuer le temps d'antenne entre les quatre invités et donner la chance aux journalistes de poser leurs questions. Bouamrane qualifie la déclaration du pape d'«ingérence» dans les affaires des musulmans. «Il aurait pu utiliser la totalité du texte auquel il a fait référence du dialogue qui s'est déroulé entre le chrétien et le Perse dont on ne connaît pas le nom et qu'on réduit à un X musulman. Puis il a déclaré dans l'avion qu'il allait visiter Constantinople», poursuit-il. Beker rappelle que le pape parlait devant des universitaires. Mais Bouamrane n'a pas entendu cet argument. C'est finalement Benbrika qui apportera la réplique. «Le tort du pape est d'avoir causé devant des universitaires. A l'université, on se doit d'être rigoureux en apportant des arguments», dit-il. Rien n'arrêtera Bouamrane. «J'ai lu dans Le Monde que le monothéisme de l'Islam est différent du monothéisme catholique. N'est-ce pas là une hérésie?» Puis: «Nous sommes tous des gens du Livre. Donnez-nous un terrain d'entente.» «Comment ferons-nous pour renvoyer les gens à leurs religions?» «Comment pourrons-nous combattre la pauvreté et l'injustice?» Beker tente de réagir: «Le principal handicap est l'ignorance». Bouamrane enchaîne: «Comment se peut-il qu'on ne trouve pas l'esprit chez le musulman alors que le Coran s'adresse à ceux qui pensent dans chaque paragraphe?». Il cite les noms de ceux qui ont traduit les textes grecs en arabe et les penseurs musulmans qui ont tant donné à la civilisation mondiale, etc. Les faits sont là. Bush mène une guerre contre les musulmans au nom de la guerre contre le terrorisme. Le pape jette un pavé dans la mare. Comment ne peut-on pas étalir un lien? Nous avons deux tranchées de 1,1 milliard de chrétiens en face de 1,3 milliard de musulmans qui se regardent en chiens de faïence. Que vont-ils faire? Toussaint veut, coûte que coûte, effacer des esprits l'idée des confrontations. «Et puis, dit-il, les 1,1 milliard de chrétiens ne sont pas majoritairement des Occidentaux». Benbrika revient à la charge: «Bush est un chef religieux». Bouamrane l'appuie: «Les positions ostentatoires sont politiques». Faut-il dialoguer? On n'a pas encore répondu à la question. Oui, impérativement, répondent-ils. Il n'y pas d'autre choix. «Dialoguons ensemble et combattons le fléau de la pauvreté...et de l'injustice. Vous savez où se situe le Darfour?», interroge Bouamrane. «Au Soudan», répond-on. «On s'intéresse au Darfour parce qu'il y a le pétrole. Que Dieu éloigne de nous l'Amérique de Bush ou la démolisse», conclut-il. Amen.