A peine 36 ans, des études en sociologie et psychologie, Rabah Ameur Zaïmeche est à son deuxième film long métrage de fiction. Il fait, selon ses dires, de la question de la liberté individuelle, son thème de prédilection. Il la confronte au poids des sociétés et des coutumes. Il veut être un cinéaste libre. Comme un électron, dit-il. L'Expression: On a des difficultés à situer le genre de votre film. C'est une fiction racontée, me semble-t-il, à la manière d'un documentaire ou d'un grand reportage. Qu'en dites-vous? Rabah Ameur Zaïmeche: On m'a souvent fait la remarque. Considérez que c'est tout cela à la fois. J'ai fait le film pour interpeller chacun de nous sur la liberté individuelle. Notre thème central n'est pas l'Algérie, mais la question de la liberté individuelle. Aussi, je présente, si vous voulez, une succession de tableaux sans porter de jugement. Je laisse la parole libre. Cela peut donner, ensuite, une idée de la manière avec laquelle a grandi l'Algérie et se tient debout. Beaucoup disent que Bled number one est une suite de votre premier film Wesh, Wesh. Certainement. Wesh, Wech raconte les tribulations d'un jeune Algérien de France, un immigré, si vous voulez, qui affronte une vie difficile, commet des larcins...et finit par être expulsé vers son pays d'origine, l'Algérie. Avec Bled number one, je tente de le suivre au bled et de le faire confronter à la vie locale avec tout le poids des traditions, de l'environnement culturel, des problèmes d'actualité...Tout en lui laissant l'entière liberté de réaction. Vous posez le problème de ce que certains appellent la double culture des immigrés de la deuxième génération, ces Beurs qui sont écartés dans leur manière de vivre entre ces deux cultures? Je refuse cette approche. Moi, je n'ai aucun sentiment de gêne ou de déchirement entre les deux cultures. Ma culture c'est les deux, et même plus, à la fois. J'estime que la culture est par essence, universelle. Qu'est-ce que j'évoque, entre autres, dans le film? J'évoque le thème de solidarité (la zerda), le retour au pays, la révolte face à des atteintes à la liberté individuelle...Opposer les cultures est une ineptie au sens même du concept de culture. Vous savez, l'immigration algérienne est une vraie diaspora qui peut servir au pays d'accueil comme au pays d'origine. Les Beurs ont inventé une nouvelle culture. Il faut éviter les amalgames en s'arrêtant aux clichés et stéréotypes collés à l'immigration. L'immigration est une valeur ajoutée pour la France et pour l'Algérie. Dans le film, Louisa (Meriem Cerbah) chante en anglais du blues américain devant des patientes d'un hôpital psychiatrique où elle-même est internée. Les dialogues sont en arabe dialectal, parfois en français et le sous-titrage est en néerlandais. Ce n'est pas ordinaire, non? C'est un clin d'oeil à la richesse et la diversité culturelle de l'Algérie. Richesse qui n'est pas valorisée. Quand vous regardez ce qui se passe au bled sur ce plan, c'est presque de l'autodestruction. L'Algérie est un pays de libertés et de diversité, voilà que ces libertés sont agressées. Le code de la famille est toujours là, la violence dans la relation sociale est encore présente, on étouffe les libertés individuelles... Il y a eu beaucoup d'erreurs stratégiques dans le développement de l'Algérie depuis l'indépendance. Il faut avoir le courage de s'interroger et de dire les erreurs, jusqu'à celles commises aujourd'hui. Quel rôle peut jouer l'immigration dans les relations entre les peuples français et algérien? Je vous l'ai dit, la diaspora immigrée est une valeur ajoutée pour les deux pays. Il faut arrêter de voir les Algériens de France comme une immigration de main-d'oeuvre uniquement. Cette diaspora peut servir de pont, de créneau de promotion de liens de fraternité et de richesse réciproque pour les deux. Un dernier mot? L'Algérie a besoin d'un cinéma vivant et indépendant. J'ai tourné ce film sans me fixer une limite dans la liberté de le faire. Je n'ai pas pensé, en premier, au seul spectateur. J'ai suivi mon coeur. Sur ce plan, je voudrais remercier les responsables algériens, du maire aux walis...qui m'ont aidé et permis de tourner en totale liberté.