Trois ans après la sortie de Bled Number one, le réalisateur clôt sa trilogie sur les banlieues et les rapports sociaux qui en découlent... Avec Le Dernier maquis, Rabah Ameur -Zaïmeche achève un long métrage qui évoque les rapports de force, de clan, et de lutte de classes qui caractérisent la France d'aujourd'hui et qu'il tend inlassablement à dénoncer. Dans son dernier film, Dernier Maquis qui sera présenté au Festival de Cannes cette année et ce, dans le cadre de la sélection issue de «La Quinzaine des réalisateurs», Rabah Ameur-Zaïmeche brosse un tableau de l'Islam en France, un projet qu'il préparait depuis plusieurs années. Un sujet, d'emblée, sensible qui ne manquera pas de faire parler de lui....Dans Dernier maquis, l'histoire se passe au fond d'une zone industrielle à l'agonie. Un patron musulman, alias Fellag, possède une entreprise de réparation de palettes et un garage de poids lourds. Il décide d'ouvrir une mosquée et désigne, sans aucune concertation, l'imam. A nouveau coproduit par Sarrazink (la société de production de RAZ) et par Margaret Menegoz des Films du Losange, et coécrit avec Louise Therme, le film suivra aussi le personnage de Titi (Christian Milia-Darmezin), un jeune mécanicien qui se convertit à l'Islam et travaille dans ce garage de poids lourds, dirigé par ce patron. Son frère Mao (Rabah Ameur-Zaïmeche), le contremaître et ses ouvriers musulmans sont tenus de la fréquenter. Après avoir assisté à quelques prêches, Mao et les mécaniciens (parmi lesquels Abel Jafri) s'élèvent contre l'imam imposé par le patron et préfèrent prier ensemble sur leur lieu de travail. Quand le patron les surprend, de rage, il humilie son frère sous les yeux de ses employés. Mao réclame alors le partage de l'entreprise familiale pour organiser le garage à sa façon. Devant le refus catégorique de son frère, soutenu par les mécaniciens, il réquisitionne le garage. Une lutte s'engage qui se termine tragiquement par la mort accidentelle de Titi. Sotigui Kouyaté, dans le rôle de gardien du garage, et Nathalie Richard, en prostituée de la zone industrielle, complètent le casting. Dernier Maquis est un projet porté de longue date par RAZ qui, au moment de la sortie de Bled Number One précisait sa démarche: «J'ai aussi écrit un scénario, Dernier Maquis, l'histoire d'un Portugais qui se convertit à l'Islam. Un polar à la Melville avec la patate des cinéastes américains des années 70, type Cassavetes, inspiré de l'histoire du gang de Roubaix et du trajet de Khaled Kelkal. Je me suis fait jeter du CNC. Le projet tombait à un mauvais moment avec le débat sur le voile et une stigmatisation générale de l'Islam. Sans doute, le script n'était tout simplement pas abouti. Je me suis dit qu'il fallait plutôt se tourner vers le pays des origines, l'Algérie, retour aux sources important également pour comprendre le désarroi parfois de la population maghrébine en France, prise entre deux strates civilisationnelles.» Avec un jeu de rôles subtil et une manière de tourner à la Kassovitz, Rabah Ameur- Zaïmeche finit par se distinguer des autres jeunes réalisateurs de sa génération. A une exception près. La pertinence des dialogues de ses films et l'errance de ses personnages, son recours à la recherche d'un esthétisme qui, en ayant recours à des «moyens bruts» faute de moyens justement, mêlant l'esprit du documentaire à la fiction, n'est pas sans rappeler un autre réalisateur algérien confirmé, Tariq Teguia qui, par son souci du détail, et surtout par ses thématiques, tend à prendre de façon minimaliste le pouls de sa société sous un angle singulier. Une façon aussi de se raconter en se faisant le miroir de cette société d'aujourd'hui à travers sa jeunesse perdue, oisive ou qui rêve de partir. Bref, en quête d'un avenir meilleur, d'où la violence sous-jacente qui entoure le scénario comme cet halo de lumière à la fois obsessionnelle et aveuglante qui trace un sillon rouge sur le chemin de ces deux jeunes gens dans Roma oula N'touma...Dans Bled number one, cette violence est bien omniprésente à travers les images. Elle est aussi suggérée en filigrane, enfin, comme pour montrer le drame qui secoue nos sociétés, a fortiori maghrébines. En ce sens, Dernier maquis se veut le pendant logique de Bled Number One et Wesh Wesh. Pour rappel, Rabah Ameur Zaïmeche a, à son actif, aussi le film Wesh Wesh (2001), réalisé à l'aide d'une simple caméra DV, sur un sujet sensible: la difficile réinsertion dans le monde du travail d'un ancien délinquant. Il prend pour cadre de son histoire la cité des Bosquets, en Seine-Saint-Denis, qu'il connaît bien...