L'avant-première du dernier né, Bled Number One de Rabah Ameur-Zaïmeche, aura lieu, aujourd'hui à la salle Al-Thakafa, ex-ABC, avant d'atterrir le lendemain, c'est-à-dire mercredi, à la Filmothèque Mohamed- Zinet de Riadh El Feth et à la Cinémathèque d'Oran. Ce long métrage, découvert déjà à Cannes 2006, dans la section “ Un certain regard”, est la seconde œuvre que signe ce jeune réalisateur après son Wesh wesh, qui a raflé en 2002 le prix Louis-Delluc du premier film. C'est, encore une fois, grâce à la société de distribution cinématographique, Sora production, que ce film, tout neuf, peut être vu par le public algérien en même temps que les autres publics du monde. Bled Number One est, avant tout, un film qui interroge sans cesse le rapport de l'être à sa terre natale, à ses traditions ancestrales….Il est question, dans ce long métrage, d'une recherche effrénée de l'identité. Un thème qui domine encore et notre littérature et notre cinéma. Kamel, le personnage central de ce film est renvoyé en Algérie, suite à une condamnation ayant entraîné une double peine. Rabah Ameur-Zaïmeche, choisi de ne point faire référence à sa vie en France. Il arrive donc dans une terre qu'il découvre, en même temps que le spectateur, et va de surprise en surprise. A la fois étranger et familier, son expérience de l'Algérie est plutôt orale, mémoriale. Le réalisateur montre un Kamel qui prend le temps de s'acclimater, en découvrant les bruits et odeurs de son pays d'origine. Ce ne sont pas, uniquement, les odeurs et senteurs mais aussi les routes défoncées, des maisons blanches et une lumière blanche à vous couper le souffle. Les sensations priment, car premières, et ouvrent le film sur des scènes qui pourraient être hallucinées si elles n'étaient aussi précisément décrites. Ainsi, le rituel qui consiste à tuer puis découper un bœuf avant de le partager ou plus simplement l'achat d'alcool deviennent des épisodes fondateurs qui montrent bien plus qu'ils n'énoncent. La grande force du film est, ainsi, de pleinement utiliser le cinéma. Il n'est pas ici question de discours, ni pour ou contre, ni procès à charge. Si son Bled se montre sous toutes ses facettes, avec ses traditions insupportables, son humanité touchante, c'est avant tout par son immense force de mise en scène qu'il dévoile son idée de l'Algérie. Filmé en numérique, l'image joue, à plein, l'idée d'un réel qui nous échappe toujours un peu. De la famille au village, des histoires personnelles aux traditions, Kamel parcourt, dans tous les sens, ce territoire qui est un peu de lui mais qu'il ne reconnaît pas. Il y a quelque chose de totalement universel dans ce sentiment étrangement inquiétant d'une famille qui nous est étrangère, d'un lieu fondateur mais non reconnu. Face aux problèmes du village - une bande d'hommes, apparemment des fanatiques religieux, qui veulent faire leur propre loi - ou au statut de la femme, Kamel est résolument étranger, choqué ou dé-semparé. Avec sa caméra portée qui suit son personnage, le cinéaste plonge le spectateur au cœur du tumulte qui bouleverse Kamel. Le film secoue beaucoup et, parfois, s'arrête brusquement, proprement sidéré par des apparitions formidables.