Jeudi 5 octobre, la bouqala a mis en fête les spectateurs habituels de l'Auditorium. Il y avait de quoi, car pour la première fois le jeu de la bouqala a été mis en scène pour le bonheur de nombreux connaisseurs grâce à l'écrivain Kaddour M'Hamsadji qui en avait fait une longue et passionnante étude dans un ouvrage du même titre, publié à l'OPU, et aussi à la célèbre chanteuse Nadia Karahbach qui a tenu le rôle de l'officiante (mawlett el bouqala) et aux récitants des textes-bouwâqal: la grande comédienne Aïda Guechoud et le sympathique Moulay Abdallah. Le mérite de l'organisation de la soirée, sous l'égide de M.Azzeddine Mihoubi, directeur de la Radio algérienne, revient à Mme Amina Aïssi, responsable du Centre culturel Aïssa-Messaoudi et à sa jeune et dynamique équipe. Le magnifique ballet de danses populaires de l'Onci, conduit avec subtilité et maîtrise artistique par la chorégraphe Mme Sahra Kinda et l'orchestre andalou de la Radio sous la direction de M.Abdelkader Rezkallah (qui a d'ailleurs chanté avec M.Kamel Belkhodja) ont également concouru, ainsi que les techniciens de l'Auditorium, au succès de cette très peu commune soirée ramadhanesque qui a placé haut la qualité du spectacle. Cela a permis en premier lieu aux spectatrices, telle la vieille dame qui s'est laissée envahir par son émotion, et en second lieu aux spectateurs de donner libre cours à leur engouement retrouvé pour ce jeu ancien, typiquement familial. Dans la salle, le public entier a constitué une famille. Dans une bonne combinaison de présentation avec l'animateur principal, toujours excellent, Mourad Zerouni, l'écrivain Kaddour M'Hamsadji a évoqué les origines historiques du jeu de la bouqala, qui remonteraient au xvie siècle, soit à l'âge d'or de la guerre de course en Méditerranée. Après avoir rappelé les motivations spécifiques de ce divertissement féminin, à l'origine, sa création dans les villes portuaires (Alger, Dellys, Bejaïa, Cherchell, et dans l'arrière-pays, Koléa, Blida, Miliana, Médéa,...), son évolution et sa préparation, Kaddour M'Hamsadji a attiré l'attention des spectateurs sur la qualité finement poétique des textes inspirés, et souvent très proches, du «hawfi» de Tlemcen et des «mouwachahate» andalouses. Il a ensuite décrit les éléments matériels du jeu puis indiqué les phases de son déroulement proprement dit et tout particulièrement sur celles qui ont été choisies dans ce genre de spectacle plus large, puisque, habituellement, ce jeu est pratiqué en famille ou entre voisins ou à l'occasion d'une fête. Tout le spectacle, auquel l'animateur Mourad a fait effectivement participer les spectateurs de différentes façons, a été une démonstration attrayante de la manière de jouer à la bouqala dont Kaddour M'Hamsadji nous dira: «Les poèmes appelés bawaqal du nom du vase bouqala constituent un trésor parmi les plus considérables de notre patrimoine populaire immatériel et civilisationnel.» Des spectateurs interrogés ont tous exprimé leur joie d'avoir passé une excellente soirée et, surtout, les uns parce qu'ils ont découvert ce jeu mal connu, les autres, parce qu'ils ont constaté enfin la renaissance du jeu de la bouqala. A la fin du spectacle, comme promis, l'auteur a signé ses livres dont Le Jeu de la bouqala et répondu à quelques questions du public.