La greffe d'organes se pratique discrètement, à la limite de la clandestinité, depuis les années 80. L'année 2002 a été le couronnement de longs et ardus efforts déployés pour vaincre un tabou depuis longtemps déjà écarté dans nombre de pays musulmans, celui du don d'organes. Trois dates ont marqué le long combat farouchement mené par l'association Primage que préside le Dr. Djamel Eddine Oulmane. Il s'agit de la date de la promulgation de l'arrêté ministériel du 19 novembre 2002 permettant la possibilité de prélever des organes à partir de cadavres en vue de leur transplantation, suivie de celle de la première greffe rénale réussie, le même mois, et de deux greffes de cornées prélevées à partir d'un cadavre qui ont eu lieu en décembre 2002. Dans une lettre de communication déposée hier à notre rédaction, le Dr Dj. Oulmane précise que «la greffe d'organes en Algérie était pratiquée déjà dans les années 80 par une poignée de chirurgiens d'avant-garde. Les prélèvements se faisaient discrètement sur des cadavres, et même, à la limite de la clandestinité». Ceci prouve, si besoin est, que certaines techniques de greffe d'organes n'ont plus de secret pour les spécialistes algériens qui arrivent, aujourd'hui, à maîtriser ces techniques chirurgicales de haut niveau. Cependant, ce know how très louable se trouve freiné par la frilosité des citoyens algériens à autoriser un prélèvement d'organes sur leurs cadavres. Tout prélèvement sur le corps d'un mort est perçu par la mémoire collective comme une atteinte grave à la personne décédée. Pour se donner bonne conscience et aussi par ignorance, l'alibi religieux est souvent cité, alors que les hautes autorités religieuses des pays musulmans, dont l'Algérie, sont unanimes à déclarer le contraire et à autoriser ces pratiques. Des fetwas ont même été prononcées pour autoriser le don d'organes post mortem pour sauver une vie ou redonner la vue grâce à une greffe, selon des conditions respectant les principes de l'éthique de la religion musulmane. Le nombre de malades en attente d'un rein en urgence, qui est de 1500 à 2000 chaque année, est à méditer lorsqu'on sait qu'il existe près de 10.000 dialysés en Algérie dont la vie est suspendue à une tuyauterie liée à une machine sans âme. Si sur les 130.000 décès enregistrés chaque année, seuls 2% d'entre eux, en bonne condition physique, permettaient un prélèvement d'organe après leur décès, nous aurions 2600 donneurs potentiels et un immense pas pour la prise en charge des insuffisants rénaux et bien d'autres personnes qui souffrent d'autres pathologies aura été fait, est-il précisé dans la lettre. Pour ce faire, «il est impératif que les autorités algériennes créent un réseau d'institutions chargé officiellement des dons d'organes». Une sensibilisation régulière doit être dispensée sur l'importance du don d'organes par une approche communicative appropriée, conclut la lettre qui prévient que nul n'est à l'abri d'une grave maladie, ni d'un besoin d'organe et que «nous pouvons tous devenir donneurs d'organes».