Priorité des priorités, c'est la quête de l'énergie qui détermine la politique étrangère américaine. Les Américains sont-ils intéressés par la région Maghreb? A voir les moyens mis en oeuvre depuis quelques années et les institutions mises en place, on pourrait répondre par l'affirmative, sauf que la chose ne se fait pas à la vitesse grand V, mais plutôt au ralenti. Les officiels américains, eux, vous répondront qu'ils vont au rythme qu'il faut, pas plus, pas moins. Une chose est sûre, les Etats-Unis, première puissance mondiale, ont des intérêts dans la région. Priorité des priorités, c'est la quête de l'énergie qui détermine la politique étrangère américaine. Cela se vérifie tous les jours et aux quatre coins du globe. Néanmoins, le 11 septembre a induit un changement de cap dans la politique intérieure et extérieure américaine: frappés dans leur chair, via les attentats qui ont visé les deux tours jumelles du World Trade Center de New York, les Américains sont devenus plus que sensibles aux questions liées à la sécurité. Longtemps réfractaires à toute idée de condamner, voire de surveiller les terroristes, les Américains sont devenus subitement méfiants et ont pris la tête de file de la lutte contre le terrorisme. Mais alors que toute autre nation se serait renfermée sur elle-même, les Américains, au contraire, ont pris le taureau par les cornes en entraînant les autres pays dans leur sillage. Occupant une position dominante à l'ONU, où ils siègent au Conseil de sécurité, mais aussi dans les autres institutions ou organismes internationaux, comme l'Otan, le G8, la Banque mondiale ou le FMI, et dans d'autres alliances militaires transnationales, les Américains, dont les sociétés pétrolières dominent largement le marché des hydrocarbures dans le monde, ont les moyens de se faire entendre et d'impulser une orientation aux affaires du monde. On a vu comment, en quelques semaines seulement, ils ont pu mettre en place une alliance pour la mise au pas de l'Afghanistan et la chute du gouvernement des talibans, et comment, quelques mois plus tard, ils ont constitué une coalition de plusieurs nations pour attaquer le régime irakien de Saddam Hussein. Vis-à-vis du Maghreb, de façon générale et de l'Algérie plus particulièrement, les choses commencent à se dessiner depuis quelques années, l'Algérie elle-même ayant amorcé, notamment depuis l'année 1999, une réorientation stratégique de sa politique étrangère, tout en optant pour une ouverture de son secteur économique et pour l'économie de marché. Sur le plan politique et/ou idéologique, il y a eu la jonction de deux éléments majeurs. D'abord, l'Algérie est sortie de son isolement diplomatique après les attentats du 11 septembre, qui ont amené les puissances du monde à ouvrir les yeux sur le phénomène du terrorisme et sur son caractère international, le faisant apparaître comme une menace sérieuse sur la paix et la sécurité dans le monde. Ça, c'est un fait. Mais il y a aussi un autre élément non moins important, c'est le fait que la politique extérieure algérienne, elle-même reflet de la politique intérieure, est entrée dans une phase de realpolitik. C'est un fait majeur et déterminant. Cette phase de realpolitik amène à ne plus voir les affaires du monde à travers le prisme déformant des slogans et des réactions épidermiques de type tiermondiste, mais à prendre en considération les intérêts immédiats et à long terme, de l'Algérie avant tout. De nouvelles priorités sont apparues et sont mises en oeuvre par la diplomatie algérienne, donnant plus de punch à ses actions dans le monde, que ce soit en Afrique, dans le monde arabe, dans le bassin méditerranéen ou partout ailleurs dans le monde. Ce réalisme diplomatique ne pouvait ne pas rester sans impact sur l'état des relations de l'Algérie avec la première puissance du monde, les Etats-Unis, qui, eux-mêmes, ne comprenaient pas, dans le passé, la frilosité algérienne à leur égard. C'est donc un virage diplomatique important. L'administration Bush ne pouvait que prendre acte d'une telle évolution majeure et inscrire, désormais, l'Algérie, sinon dans la liste d'un pays ami, du moins dans celle des pays avec lesquels il est désormais possible de dialoguer et de coopérer dans multiples domaines, d'autant plus que l'Algérie a montré la voie et fait une bonne partie du chemin en paraphant l'accord d'association avec l'Union européenne et en amorçant des négociations pour l'adhésion à l'Organisation mondiale du commerce. Sur le plan sécuritaire, les Américains ont finalement compris les mises en garde d'Alger vis-à-vis du terrorisme, et désormais, c'est un partenariat stratégique qui a été amorcé, dépassant largement les frontières de l'Algérie, puisque l'Algérie est devenue la pièce maîtresse du dispositif qui est mis en place dans la région du Sahel pour endiguer la montée du terrorisme, et qui est connu sous le nom de plan pansahel. Alors que l'Algérie ne trouvait pas de fournisseur pour acheter des cartouches, la donne a changé depuis et maintenant elle peut participer de près à la définition de la politique antiterroriste à l'échelle du Sahel, d'autant plus que l'Algérie a une frontière commune avec de nombreux pays sahéliens. Il y a maintenant des projets encore plus globaux, comme le projet Grand Moyen-Orient, GMO, qui englobe l'ensemble des pays du monde arabe, du Golfe à l'Atlantique, et qui vise à encourager les réformes démocratique, économique, médiatique et du système éducatif dans le monde arabe. La prochaine réunion du Forum de l'avenir à Amman, en Jordanie, nous en dira un peu plus sur le devenir de ce GMO. Et puis, sur le plan économique, c'est la sécurisation des ressources et des bases pétrolières qui reste la cheville ouvrière de la politique américaine dans la région et, notamment en Algérie, où les réserves de pétrole et de gaz ne sont pas à négliger. Pour l'heure, l'investissement direct américain en Algérie reste surtout orienté vers ce secteur. Un effort est surtout nécessaire dans les autres secteurs.