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Les vers qui chantent l'âme
Laldja Boughdad, poétesse
Publié dans L'Expression le 22 - 09 - 2024

On la trouve à tous les festivals et dans toutes les villes où ils ont lieu. En arrivant ce matin à la maison de la culture où nous devions nous rencontrer, en plus de son sac à main, elle portait un cartable. À peine assise, elle l'ouvrait et en sortait deux livres, deux recueils de poèmes, plus exactement. Puis un troisième, à l'état de manuscrit. Beaucoup plus volumineux. Il sera publié prochainement à compte d'auteur, chez le même éditeur. Du même cartable sortent également des attestations de participation, des prix gagnés dans des concours pour les trois meilleurs poèmes et des coupures de presse. Avec une dizaine de prix et quelque quatre-vingts participations aux festivals, la poétesse Laldja Bouhedad détient un joli palmarès.
Chez elle, la vocation s'annonce très tôt. «A huit ans, racontait-elle, j'alignais les chaises dans le jardin et, me mettant en face, je leur parlais comme devant un public.» De quoi? Elle ne sait plus aujourd'hui. Trop de temps s'est écoulé. Les enfants et les poètes n'ont pas besoin de vrais sujets. Ils ont juste besoin de mots. Et tant pis si les phrases des uns et les vers des autres paraissent décousus.
Signes avant-coureurs
À douze ans, quelques ébauches de poèmes comme on en fait en peinture, ou comme un débutant fait des solfèges sur un piano. Mais déjà un bout de piste se dégage du brouillard épais qui masque l'avenir du jeune néophyte. Années d'apprentissage où, tout en écoutant et en imitant ses idoles, on prétend arriver à leur hauteur, quand on reste juste au niveau de leur cheville. C'est la période où Laldja, à cet âge, se cherchait à travers les chansons de Slimane Azem, puis d'Idir, de Lounès et d'Aït Menguellat, en qui, selon elle, se résumaient tous les autres. Mais il y a aussi Si Mohand Mohand, le maître du vers amazigh, et l'enfant l'avait choisi pour guide dans son long voyage à travers le langage poétique. Son initiation à la poésie se ramenait à ces trois mots: écouter, réciter et chanter. Le vocabulaire s'enrichissait et le sens du rythme s'aiguisait. Baignant dans un pareil climat de musique, de mots et d'images, les progrès n'ont pas tardé à se faire sentir. Des vers naissaient, irréguliers, mal affermis où la rime n'est pas toujours à sa place. Il en restera quand même quelque chose qui va former le squelette d'un ou deux poèmes comme celui de Ma mère qui figureront dans le second recueil de poésie. En 2000, en stage au centre de formation féminin Malika-Gaïd, elle semblait s'être un moment intéressée au costume traditionnel kabyle, sans pour autant se détacher de sa passion première: la poésie. «Tout le monde suivait les cours avec le plus grand intérêt, sauf moi. Moi, je versifiais à tout va.» On pourrait croire qu'avec une telle mauvaise volonté, elle allait finir dernière de sa promotion. Elle décrochait la troisième place comme atteste le diplôme remis à la fin du stage. Cette formation, qui n'était peut-être pas sans rapport étroit avec sa vocation, l'avait aidée à prendre conscience de ses talents naissants de poète. Elle s'était fait beaucoup d'amis grâce à son caractère très sociable, mais aussi grâce à ses qualités artistiques. Les vers qu'elle composait, à ce moment-là, commençaient à avoir de l'allure, du panache, même s'ils demeuraient perfectibles. Ses amies du centre féminin l'écoutaient et l'encourageaient à continuer sur cette voie. L'une d'elles lui avait recommandé de s'inscrire au centre culturel Mouloud-Mammeri.
Le vrai apprentissage a commencé dans ce centre. Chaque jeudi après-midi s'y réunissait une vingtaine de poètes au talent avéré. Les débuts pour la jeune Laldja furent difficiles. Mais tous les poèmes qui se lisaient et tous les débats qu'ils suscitaient ne tombaient pas dans l'oreille d'une sourde. Peu à peu, sa mémoire tenue longtemps «en jachère», enregistrait tout et lui permettait de les repasser en revue, puis de les analyser attentivement. Ainsi, lui était apparu, par comparaison, les défauts de ses poèmes et, à la lumière de ce qu'elle apprenait au contact de ses poètes chevronnés, elle les corrigeait. Le vers gagna bientôt en légèreté et en cadence. Elle apprit à connaître les règles de la prosodie qui, si elles, sont vigoureusement respectées, elles amèneraient plus de clarté et de mouvement dans le vers. Quant à la rime, soumise, elle aussi à ces règles, elle produisait, en arrivant naturellement, plus d'harmonie dans un vers déjà assez harmonieux par lui-même grâce aux coupes pratiquées artistiquement en son sein. Forte de cet enseignement, elle put composer de nombreux poèmes qui reçurent l'approbation de cet aréopage composé d'artistes. Portée par ce succès, elle put réunir le tout dans un recueil qui parut aux éditions Amel, en 2004.
En ce temps, et même un peu plus tôt, la rue grondait; comme un torrent, elle véhiculait de la colère, certes, mais surtout des idées. Beaucoup d'idées. Et ces idées, comme des étrennes, étaient toutes neuves. La langue amazighe était au coeur de ce bouillonnement. De jeunes talents s'y essayaient et, portés par l'enthousiasme général, réussissaient. C'était le temps où Tahar Benameur écrivait Bururu et Brahim Tazaght rêvait d'une oeuvre monumentale à l'épreuve du temps. Laldja, à son habitude, regardait de tous ses yeux, écoutait de toutes ses oreilles; ces événements culturels inédits lui paraissaient comme une aubaine. Il y a eu le Centre culturel Mouloud-Mammeri et le cercle des poètes qu'il abritait chaque semaine, mais ce qui se passait autour d'elle chaque jour l'enveloppait et la portait vers un ailleurs qu'elle n'avait jamais soupçonné mais qui, s'il la laissait sans voix, ne manquait pas de l'émerveiller.
C'était donc ça, la culture?
Un renouvellement de choses vues et entendues, voire vécues.
En novembre 2001, elle participait à un concours et se classe deuxième. Pour l'attribution du prix, elle est envoyée à Alger où se trouvait le siège de l'Association Tagharma. «Là, raconte notre interlocutrice, j'ai fait la connaissance d'autres poètes dont l'amitié n'allait plus se défaire.» Ce cercle construit en dehors de celui de Mouloud-Mammeri et qu'elle cultivait avec soin allait en grossissant.
Lorsque le HCA tint son premier salon du livre et du multimédia en tamazigh, à Bouira, elle découvrait un grand nombre d'auteurs, mais aussi d'éditeurs. Les échanges que la toute jeune poétesse avait eus avec eux avaient été déterminants dans sa formation. Ses connaissances s'étaient enrichies de mille choses qu'elle ignorait. En 2004, elle se sentait prête pour affronter l'épreuve finale qui couronnait son parcours d'artiste: la publication. Son manuscrit sous le bras, elle s'était présentée à la maison d'édition dirigée par le HCA. Son président avait promis d'éditer les manuscrits écrits en langue amazighe.
Le sien fut jugé bon. Il fut retenu par la commission de lecture. Et voilà notre jeune poétesse propulsée dans la sphère des auteurs. Cela lui ouvrait bien des portes, lui conférait une confiance, une certaine autorité lorsqu'elle était invitée à prendre la parole dans un événement où dans les festivals auxquels elle participait. Sa première participation à un concours de poésie en dehors de la wilaya a eu lieu en 2003-2004. C'était au festival de la poésie.
Le prix portait le nom prestigieux de Si Mohand Mohand. Elle se classait neuvième. Ce qui n'était déjà pas si mal, vu l'importance de l'événement.
Les retombées de cette participation avaient eu d'autres avantages. Se découvrir de nouveaux amis et faire découvrir aux autres qui elle était. Sur un autre plan, elle commençait à prendre goût à ce genre de rencontres officielles.
Le Festival international de la femme organisée en janvier 2006 à Biskra et auquel elle avait participé à l'invitation de Rabia Djelti, l'avait fait entrer dans une autre dimension. Elle se sentait la soeur de toutes ces femmes, françaises, italiennes, espagnoles, américaines, arabes venues de si loin pour assister à cette manifestation culturelle, et l'égale de toutes celles avec lesquelles elle rivalisait en tant qu'auteure.
Les participations aux festivals nationaux ou en dehors du territoire, comme celui de Tunisie (Sfax) en 2014, celui d'Illizi en 2017, ou celui de Constantine qu'elle ne rate jamais depuis 2009 et où elle a été honorée de la main du wali, ainsi que la dizaine de prix que ces festivals lui ont valu, ont fortement contribué à sa formation et asseoir définitivement sa réputation de poète en langue amazighe. Edité en 2004 et tiré à mille exemplaires, ainsi que nous l'avons mentionné plus haut, le recueil de 56 pages met en scène un homme et une femme qui s'aiment de loin, se parlent de loin. Ils finissent par se rapprocher, former un couple et avoir des enfants. L'histoire est simple mais, racontée en vers, d'une grande beauté, elle captive, car Laldja Boughdad a su trouver les mots qu'il faut pour créer assez de magie dans ces échanges amoureux. Elle a choisi pour ce dialogue le vers court et la strophe de trois vers. Cela se passait il y a longtemps.
Le livre qui a assuré son crédit
La Terre était alors moins peuplée. L'homme marchait dans une grande forêt. Il s'arrêtait de temps en temps pour lancer un appel. Sans réponse. Qui appelait-il? Une femme. Il sentait sa présence, il savait qu'elle s'approchait. Il appela encore, et cette fois, ô joie, ô bonheur, elle répondit. L'Appel à l'amour (c'est le titre du recueil) est l'une des plus belles odes à l'amour.
Je te guette de loin.
Je me plais en ta compagnie.
Tes yeux ressemblent à deux olives.
Le second livre est plus étoffé. Il compte 72 pages et a le même tirage. Mais depuis sa parution en 2006, il reste tout de même quelques 300 invendus. Quelque chose a dû clocher. Autant le premier ouvrage accrochait par cette belle histoire d'amour, autant le second qui traite de sujets empruntés à l'actualité indispose un peu.
Le drame de Bab El Oued en 2001, celui de ce malheureux pompier emporté par les eaux d'un avaloir qu'il venait de déboucher, la femme battue n'emballent que peu. Peut-être celui qui va sortir à compte d'auteur nous offrira-t-il plus de raison de l'aimer. Il y encore ces deux autres manuscrits qu'elle destine à l'édition du HCA, car le problème, pour de nombreux poètes, n'est pas de produire, mais d'éditer.
Elle continue, certes, à émouvoir le public par ses accents tendres ou durs, joyeux ou tristes. Mais, hélas, le public des salles n'est pas toujours le public qui achète des livres et lit. Tous les poètes et tous les écrivains se plaignent d'une défection chez le lecteur. Au poète et à l'écrivain de faire preuve d'imagination pour amener plus de lecteurs à lui. Changer de style, varier ses thèmes, charmer par sa simplicité, séduire par son talent de conteur et son génie de créer de la magie partout, comme dans un spectacle.
Nous pensons que Laldja Boughedad a maintenant suffisamment d'expérience dans ce domaine et assez de talent pour créer assez de magie et conquérir un plus large public. La poésie ne raconte pas toujours des histoires. Elle produit de l'harmonie.


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