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Bush, l'Irak et le pédophile
UNE ODEUR DE SCANDALE PLANE SUR SA FIN DE RÈGNE

Un député républicain, Mark Foley, soupçonné de pédophilie avec des lycéens, risque de faire perdre les élections à son camp. Mais il n'y a pas que cela dans la catastrophe annoncée pour l'administration Bush.
Des échanges de courriels douteux entre un député républicain, Mark Foley, et des lycéens employés au Congrès, font scandale. Foley, 52 ans, membre de la Chambre des représentants, a démissionné après que la chaîne de télévision ABC eut rendu public un tchat qui se déroulait lors du vote, en 2003, sur l'augmentation du budget militaire de la guerre d'Irak.
«Tu me manques/Oui, toi aussi/bon, il faut que j'aille voter...tu sais que tu me fais beaucoup d'effet/Allez, va voter, je ne veux pas t'empêcher de faire ton travail/tu m'embrasses pas/si, bisous. [...] Tu seras en ville ce week-end? [...] on pourrait prendre quelques verres/Je n'ai pas l'âge requis pour boire. [...] On peut faire ça chez moi, pour éviter de se faire prendre...»
Le député de Floride s'est, depuis, réfugié dans un centre de désintoxication pour alcooliques. Il a fait savoir, par son avocat, que ces messages ont été rédigés alors qu'il était ivre...qu'il était «alcoolique» et «homosexuel» mais pas «pédophile». «Il n'y a jamais eu de contact sexuel inapproprié avec le moindre mineur», a assuré son défenseur en évoquant une circonstance atténuante: «M.Foley veut révéler qu'entre 13 et 15 ans, il a été abusé par un prêtre», et que, pendant quarante ans, «il a gardé cette honte pour lui».
Circonstance aggravante, Foley, était membre du Comité sur les enfants disparus ou exploités de la Chambre des représentants. Il pourrait tomber sous le coup d'une loi qu'il avait lui-même présentée, condamnant l'utilisation de l'Internet pour la pornographie pédophile. Le chef de la majorité républicaine de la Chambre, John Boehner, lui a jeté la pierre, estimant qu'il méritait la prison.
Le Parti républicain, champion des valeurs morales, a de quoi s'inquiéter. Cinq semaines avant les élections au Congrès, les sondages étaient déjà défavorables au parti de Bush en raison du fiasco irakien. Ce scandale pourrait lui faire perdre la majorité dans les deux Chambres. Nombre de républicains ont joint leur voix aux démocrates pour demander la démission du président de la Chambre, Dennis Hastert, qui était au courant des courriels de Foley avec les «pages», ces lycéens de tout le pays employés chaque semestre pour transmettre des messages entre le Sénat et la Chambre. «Démissionnez!» titrait le quotidien conservateur Washington Times à l'adresse de Hastert. Celui-ci a néanmoins reçu le soutien de la Maison-Blanche, qui avait à l'origine minimisé l'affaire en parlant de simples «courriels coquins». George Bush s'est dit «dégoûté» par Foley, mais s'est déclaré convaincu que Hastert, allié précieux, voulait que «toute la vérité soit faite». Le FBI a été mobilisé pour enquêter «à fond».
Pendant ce temps, et dans une tentative désespérée de remonter l'écart énorme en sa défaveur dans les sondages, le président américain multiplie les surenchères dans sa «guerre contre le terrorisme», alors que le conflit irakien pourrait aussi, le 7 novembre, lui coûter sa majorité au Congrès. A l'heure des cérémonies en hommage aux 2 992 morts des attentats du 11 septembre 2001, George W.Bush ressert à la population sa «guerre globale contre le terrorisme», argument politique décisif lors de sa réélection de 2004. La guerre en Irak, diagnostiquent les experts, sera au coeur des élections du 7 novembre au Congrès, au cours desquelles le Parti républicain risque de perdre sa majorité à la Chambre des représentants et de nombreux sièges au Sénat. Les stratèges de la Maison- Blanche ont donc choisi de brandir le thème de la «sécurité nationale», afin de servir, une fois encore, de ballon d'hélium au camp républicain.
Bush doit s'efforcer, cette fois, d'escamoter l'enlisement des forces américaines en Irak où désormais meurent plus de civils chaque mois (1) que dans les attentats de 2001. Et se garder d'insister sur le fait que, cinq ans après, Oussama ben Laden court toujours.
La «guerre contre le terrorisme» est donc dépeinte sous les traits d'une «lutte idéologique centrale du nouveau siècle». Un combat épique dans lequel le «président de guerre», dans ses dernières allocutions, se campe en visionnaire qui a su percevoir la «menace de mort» qui plane sur le peuple américain si les «extrémistes islamiques», sunnites ou chiites, menaçant de «détruire le monde libre», mettent un jour la main sur l'arme atomique.
En Irak, au Pakistan et ailleurs, les radicaux des deux obédiences se livrent une guerre sans merci, et l'Iran demeure l'ennemi juré des talibans afghans. Mais, pour Bush, «les extrémistes chiites et sunnites représentent les deux faces de la même menace». Son empressement à amalgamer le Hezbollah,
Al Qaîda et l'Iran sous l'appellation «réseau mondial de radicaux utilisant la terreur» ressemble à son insistance obtuse à lier Al Qaîda et Saddam Hussein. Il affirmait encore sans faiblir, le 21 août, que «Saddam Hussein avait des relations avec Zarqaoui», le défunt chef d'Al Qaida en Irak. Un rapport du Sénat publié récemment, dont Bush a eu connaissance dès 2005, établit que cela n'a jamais été le cas...et même qu'au contraire, le régime irakien avait tenté d'éliminer Zarqaoui.
Mais qu'importent les moyens pour rallier un peuple américain de plus en plus sceptique à l'égard de la politique de la Maison- Blanche, approuvée par à peine plus de 30% de l'électorat, selon les sondages. La semaine dernière, Bush assimilait Al Qaîda au nazisme et au communisme. «Ben Laden et ses alliés terroristes ont fait connaître leurs intentions, aussi clairement que l'avaient fait Lénine et Hitler avant eux.» «Le monde les a ignorés au début, a-t-il averti, et en conséquence a payé un prix terrible.»
Fin août, il agitait le spectre du «fascisme islamique». «Nous devons, au cours du XXIe siècle, en finir avec la tyrannie, confiait Bush la semaine dernière au Wall Street Journal, et quand je dis ça, je suis tout ce qu'il y a de plus sérieux.»
Un message implicite sous-tend ces déclamations: tout ce qui est fait aujourd'hui est un moindre mal justifiable. Les mensonges sur les armes de destruction massive en Irak, les prisons secrètes de la CIA, les écoutes effectuées sans mandat aux Etats-Unis, les tortures d'hier à Abou Ghraïb et celles des suspects terroristes à l'avenir. Bien que les militaires aient été enjoints, tardivement, de respecter, désormais, les conventions de Genève, Bush a confirmé que les services secrets avaient toujours latitude pour user de «procédures alternatives» qu'il s'est refusé à détailler.
«Bush insiste pour que les Etats-Unis se réservent le droit de violer les lois humanitaires du droit international», s'inquiétait cette semaine l'éditorialiste du Washington Post.
Le camp démocrate martèle que la guerre en Irak n'a rien à voir avec la lutte contre Al-Qaîda. «L'Irak est devenu une affiche de recrutement pour les terroristes», tonnait, le 5 septembre, le sénateur John Kerry, malheureux candidat démocrate à la présidentielle de 2004. Le message passe puisqu'il n'y a plus que 44% des Américains pour estimer que l'aventure irakienne fait partie de la «guerre globale contre le terrorisme» (en 2003, les deux tiers le pensaient).
Mais la série concertée d'interventions sur le thème de la «guerre contre la terreur» lancée début septembre par Bush, le secrétaire à la Défense, Donald Rumsfeld, et le vice-président, Cheney, confine l'opposition sur des positions défensives. Tout l'enjeu des élections de novembre est de savoir si le camp républicain parviendra à convaincre la minorité indécise qu'il est toujours le mieux à même de défendre le pays contre le terrorisme.
Et dans ce domaine, les discours simplificateurs font toujours recette. Certains candidats républicains, tel Curt Weldon, membre du Comité des forces armées du Congrès, assurent même qu'il y a toujours des armes de destruction massive en Irak...
Cinq ans après les attentats, l'Amérique est à des années-lumière de la solidarité patriotique qui unissait alors les partis démocrates et républicains dans la douleur.
En 2002, le chanteur Neil Young chantait Let's Roll en hommage aux passagers du vol UA 93 qui s'est écrasé en Pennsylvanie. En avril dernier, dans son nouvel album, le même entonnait un tout autre refrain: «Démettons le président qui ment/ Pour avoir mené le pays à la guerre/ En abusant le pouvoir que nous lui avions confié.»
(1): 3438 personnes ont été tuées en juillet, selon le gouvernement irakien.


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