Le sit-in et la grève générale d'hier en Kabylie, décrétés par le mouvement citoyen, ont dérapé en des affrontements violents dans un mouvement qui semble synchronisé. La Kabylie est de nouveau reprise par les démons de la violence. Mais cette nouvelle flambée laisse perplexes les observateurs politiques qui s'interrogent sur les véritables raisons de cette poussée de fièvre qui, pour certains, semble programmée. D'abord, cette reprise des hostilités ressemble à s'y méprendre, à une réponse à l'invitation du Président Bouteflika aux ârchs, lancée 48 heures auparavant. Bouteflika, voulant sceller le processus de dialogue par une rencontre avec des représentants des ârchs, que d'aucuns estiment être les dialoguistes, a décidé de donner une profondeur politique aux résolutions nées des négociations Benflis-Allilouche. Cette initiative présidentielle ne semble pas au goût des professionnels de l'agitation, puisque le sens du sit-in et de la grève générale qui se voulaient pacifiques a été détourné. Une manière de condamner le dialogue entamé depuis trois mois et d'entraver la dynamique des négociations pour faire valoir des revendications, pourtant contenues et discutées dans la plate-forme d'El Kseur. Ensuite, cette nouvelle flambée intervient au moment où, en corrélation étroite avec le dialogue politique, l'Etat tente de reprendre la maîtrise du terrain de la sécurité et de l'ordre public en Kabylie. Après s'être longtemps cantonnés dans leurs brigades, les éléments de la Gendarmerie nationale reprennent position en Kabylie sous la supervision et la «protection» de l'ANP. Le gouvernement entend remettre de l'ordre dans une région qui ressemble depuis quelques mois à un «no man's land» sécuritaire et juridique, où la police n'a pratiquement plus le «droit» d'opérer des arrestations des fauteurs de trouble, et où la justice agit avec une parcimonie inquiétante pour la République. Même si les dix émeutiers ont été mis en liberté provisoire deux jours avant cette grève générale, et même si l'armée pense davantage aux risques liés au terrorisme depuis que Hassan Hattab et son groupe circulent avec aisance dans une région de «non Etat», les radicaux des ârchs ne veulent pas céder au dialogue politique, privilégiant, encore et toujours, la violence. Enfin, ces nouvelles émeutes paraissaient irréversibles depuis le sit-in avorté de jeudi dernier devant le siège de l'ONU à Alger. L'explication musclée entre forces de police et le groupe des radicaux emmené par Belaïd Abrika, a chauffé à blanc ces derniers qui avaient promis une «revanche» en Kabylie. L'opportunité de remettre le feu aux poudres semblait tentante du moment qu'elle réaffirmait, au même moment, la «prédominance» des radicaux sur les dialoguistes qui n'en finissent plus d'en découdre violemment dans toutes les communes de la Kabylie. En tout état de cause, la reprise des violences ne peut être assimilée à un incident de parcours dans le conflit pouvoir-ârchs, mais bien à une surenchère programmée dont le prochain 20 avril devrait être le paroxysme.