Le secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken, a affirmé, hier, que son pays avait établi un «contact direct» avec Hayat Tahrir al-Sham (HTS), groupe islamiste à la tête de la coalition qui a pris le pouvoir en Syrie, entraînant la chute de Bachar al-Assad. La Turquie, acteur majeur dans le conflit et soutien des nouvelles autorités, a rouvert son ambassade à Damas après plus de 12 ans de fermeture. Lors d'une offensive de 11 jours lancée depuis Idlib (nord-ouest), une coalition de factions rebelles emmenées par le groupe sunnite radical HTS a pris aux forces gouvernementales la grande partie du pays, dont Damas, mettant fin, le 8 décembre, à un demi-siècle de pouvoir de la famille Al-Assad. Dirigé par Abou Mohammad al-Jolani, HTS affirme avoir rompu avec le jihadisme mais reste théoriquement classé «terroriste» par Washington et plusieurs autres capitales occidentales. «Nous avons été en contact avec HTS et d'autres parties», a indiqué Blinken à des journalistes à Aqaba, en Jordanie. Il n'a pas donné davantage de détails sur les circonstances de ces échanges mais lorsqu'il lui a été demandé si les Etats-Unis avaient eu un lien direct, il a répondu: «Contact direct, oui.» Blinken a précisé que ce contact faisait notamment partie des efforts visant à localiser Austin Tice, un journaliste américain enlevé en 2012 au début de la guerre civile en Syrie. Blinken clôturait une tournée régionale qui l'a conduit en Turquie, Irak et Jordanie, pays voisins de la Syrie. À Aqaba, Blinken a participé à des discussions réunissant des diplomates arabes, européens, turcs et l'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, qui ont convenu que le processus de transition doit «être dirigé (...) par les Syriens eux-mêmes et aboutir à un gouvernement inclusif, non sectaire et représentatif», selon un communiqué conjoint. Ils ont, en outre, souligné que la Syrie, sous le coup de sanctions internationales, avait enfin «la chance de mettre fin à des décennies d'isolement» et insisté sur «l'importance de lutter contre le terrorisme et l'extrémisme». Face aux inquiétudes de la communauté internationale, le nouveau Premier ministre chargé de la transition jusqu'au 1er mars, Mohammad al-Bachir, a promis un Etat de droit et de «garantir les droits de tous». La Turquie a rouvert, hier, son ambassade à Damas. La chancellerie avait fermé en mars 2012, un an après le début de la guerre civile en Syrie, déclenchée par la répression de manifestations islamistes et lors de laquelle Ankara avait pris la cause des rebelles. «Uni, uni, uni, le peuple syrien est uni», est devenu le leitmotiv des Syriens. Mais la liesse est accompagnée de la douloureuse quête de proches disparus durant les décennies de guerre civile. Plusieurs groupes armés et puissances internationales ont été impliqués dans la guerre qui a fait plus d'un demi-million de morts, poussant à l'exil quelque 6 millions de Syriens, soit un quart de la population, morcelant et dévastant le pays. Al-Jolani, de son vrai nom Ahmad al-Chareh, a dénoncé néanmoins l'incursion des troupes sionistes dans le sud du territoire après la chute d'Al-Assad, tout en affirmant que son pays était trop «épuisé» par la guerre pour s'engager dans un nouveau conflit. Le Hezbollah libanais a, lui, dit espérer que les nouvelles autorités ne normaliseraient pas leurs relations avec Israël, ennemi juré du mouvement libanais de résistance à l'expansionnisme sioniste. L'armée sioniste a mené de nouvelles frappes sur des «sites militaires de l'ancien régime» à Damas et sa banlieue, détruisant un institut scientifique et un «aéroport militaire», selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). L'OSDH a recensé «61 frappes en moins de cinq heures» samedi soir de la part d'Israël, portant à «446 le nombre total de raids aériens depuis le 8 décembre». «Israël poursuit son intensification des frappes aériennes contre le territoire syrien, notamment pour détruire complètement des tunnels sous les montagnes renfermant des entrepôts de missiles balistiques», a ajouté l'OSDH, précisant que «des missiles à fragmentation» avaient été utilisés. Ces tunnels renferment également des «munitions, d'obus de mortier et d'autres équipements militaires», selon l'ONG, basée au Royaume-Uni mais disposant d'un réseau de sources à l'intérieur de la Syrie. Le chef des FDS kurdes, Mazloum Abdi, a appelé, hier, sur X les partis kurdes à «participer à la construction de l'avenir d'une Syrie démocratique et pluraliste». Dans l'ouest de la Syrie, au moins 4 combattants d'une faction de la coalition au pouvoir ont été tués dans une embuscade tendue dans un fief du président déchu, selon l'OSDH.