C'est la première fois depuis 1976 que l'instance internationale agit de cette manière. Il fallait s'y attendre. La Fédération internationale d'athlétisme (Iaaf) a décidé de suspendre la Fédération algérienne (FAA) et de sanctionner, par là même, tous les athlètes algériens qui ne pourront, de la sorte, participer à aucune compétition internationale. Plus grave encore, si la sanction est maintenue pour longtemps, les Jeux africains, que notre pays va organiser l'année prochaine se dérouleront sans l'athlétisme, discipline reine du programme olympique. Il fallait s'y attendre parce que l'IAAF avait lancé un avertissement indiquant qu'elle ne reconnaîtrait aucune structure élue de la FAA en dehors de celle qui était présidée par Toufik Chaouch Teyara, celui qui a été suspendu par le ministre de la Jeunesse et des Sports. «Le ministre des Sports algérien a démis de ses fonctions la fédération, dont il accuse certains membres de mauvaise gestion, mais sans respecter les droits de la défense. En plus, la nouvelle fédération vient d'être mise en place sur la base de statuts que l'IAAF ne reconnaît pas». Ces mots sont de Pierre Weiss, le secrétaire général de l'instance internationale à l'issue de la réunion du conseil de cette dernière qui a eu lieu lundi à Monaco. Nous avons appris que M.Lamine Diack, le président de l'IAAF, a particulièrement insisté sur cette histoire de «droit de la défense» estimant que Chaouch Teyara et son bureau fédéral ont été suspendus sans avoir été entendus, ni sans avoir défendu leurs bilans devant l'assemblée générale qui les avait élus. Dans une déclaration à la presse, hier matin, le ministre de la Jeunesse et des Sports, M.Yahia Guidoum, a fait état «de son regret» trouvant que «l'IAAF s'était précipitée pour sanctionner sans avoir pris la peine de nous entendre». Cette intervention devant les journalistes, M.Guidoum l'a faite à l'issue de la cérémonie d'ouverture de la réunion du groupe de travail interministériel africain sur les relations entre les gouvernements et les fédérations sportives internationales. Une réunion qui a regroupé les ministres des Sports de sept autres pays (Afrique du Sud, Mauritanie, Nigeria, Niger, Tunisie, Zimbabwe et Ghana), le vice-ministre des Sports de l'Angola, le secrétaire général du ministère des Sports du Cameroun ainsi que les experts de 19 pays au Cercle national de l'armée à Beni Messous. Il ne doit s'agir là que d'un hasard du calendrier mais on remarquera qu'elle s'est tenue au moment où l'IAAF prononçait la suspension de la FAA. Une suspension qui n'aurait jamais dû avoir lieu si la sagesse avait prévalu. Que l'on sache, dans le mouvement associatif algérien, les fédérations sportives sont celles qui sont soumises au contrôle le plus rigoureux. En plus de faire certifier leur comptabilité par un commissaire aux comptes, qui est une personne agréée par les tribunaux, ces fédérations sont soumises assez souvent à des contrôles de la part des pouvoirs publics par l'Inspection générale du ministère, par l'Inspection générale des finances et par la Cour des comptes. Et ce genre de contrôle est recommandé par les instances sportives internationales, notamment le CIO. En outre, dans l'assemblée générale des fédérations sportives figurent des experts désignés par le ministre des Sports (à titre d'exemple l'ex président de la Fédération algérienne de football, M.Mohamed Raouraoua, a fait partie de ce quota d'experts). Il n'existe pas un seul président de fédération sportive ou une délégation d'une fédération qui puisse se rendre à l'étranger sans un ordre de mission délivré et signé par les services du ministère de la Jeunesse et des Sports. Des subventions sont versées à des fédérations sportives avec beaucoup de retard par le MJS. La suspension des présidents des Fédérations de boxe, de tennis, d'haltérophilie et d'escrime est, avec les détails que nous venons de citer, une réalité concrète selon laquelle le MJS exerce un rôle de tutelle sur les fédérations sportives. Il est vrai qu'il existe cette histoire de subventions sur laquelle on veut insister mais il n'en est pas moins vrai qu'elle n'est pas une spécificité algérienne ou africaine. Dans tous les pays du monde, même ceux qui pratiquent l'ultra libéralisme, les associations, notamment sportives, perçoivent des subventions. Pour revenir à la suspension de la FAA par l'IAAF, il faut préciser qu'il s'agit d'un cas rare pour ne pas dire presque unique. La seule et unique fois où l'instance internationale s'est prononcée de cette manière, c'était en 1976 pour suspendre la fédération sud africaine en raison de la politique de l'Apartheid que pratiquait son pays. La sanction qui frappe l'athlétisme algérien est d'autant plus regrettable que notre pays dispose au sein du Comité directeur de l'IAAF d'un représentant en la personne de M.Djamel Si Mohamed. Les responsables de l'IAAF avaient souhaité que ce dernier soit sollicité pour qu'il aide à trouver une solution au problème. Or, il semblerait que M.Si Mohamed n'ait jamais été contacté par les responsables de notre sport. Il l'a, en tout cas, laissé entendre lors de la dernière conférence de presse animée par M.Toufik Chaouch Teyara. Il faut, bien sûr, s'attendre à ce que le MJS réagisse à cette suspension et hier matin, M.Guidoum annonçait que «le tribunal arbitral des sports de Lausanne allait être saisi». De son côté, le président du Comité olympique algérien, M.Mustapha Berraf, tout en faisant état de «sa peine et de son regret qu'on en soit arrivé là» indiquait que son instance «allait tout faire pour que les athlètes algériens ne subissent pas trop longtemps les affres de cette suspension qui les empêche de se mesurer aux plus grands sportifs de la planète». En tout cas, on fera remarquer qu'en 1996 le ministre de la Jeunesse et des Sports de l'époque avait suspendu le président et le bureau fédéral de la Fédération algérienne de football et avait même fait procéder à l'élection d'un nouveau président de cette instance. Le secrétaire général de la Fifa était venu, à Alger, assister à l'assemblée générale élective et s'était voulu tout miel dans ses déclarations. Mais une fois rentré à Zurich, il avait établi un rapport hautement défavorable qui avait conduit à la démission du président de la FAF qui n'avait exercé que pendant deux mois. La presse avait, en son temps, mis en garde contre un excès de précipitation et d'autoritarisme. Sans résultat. Les mêmes cause provoquant les mêmes effets, cette histoire de la FAA n'est pas sans nous rappeler celle de la FAF. C'est dommage pour le sport algérien.