Il faut reconsidérer la stratégie politico-militaire en Afghanistan, estime le chef de la diplomatie italienne. Le titulaire de la Farnesina, Massimo D'Alema, ministre italien des Affaires étrangères, a pris résolument à contre-courant les responsables politiques des pays qui participent aux opérations militaires et qui gèrent le dossier de l'Afghanistan, en leur proposant de reconsidérer «cette stratégie de maintien militaire» et «reconsidérer la situation politique», que «l'objectif réel est de rester, mais dans un sens différent, pas seulement avec une présence militaire». En Afghanistan, d'après les experts en sécurité internationale, «l'Otan doit faire plus d'efforts pour fournir les infrastructures, le service et les aides économiques.» L'Italie ne va pas retirer ses troupes du bourbier afghan, malgré l'aggravation de la situation, «si l'objectif est un retrait, je dois le dire clairement, comme ce que j'ai dit sur l'Irak», a indiqué d'Alema à un quotidien de la capitale, avant de se rendre tout dernièrement à Kaboul, pour rencontrer le président afghan Hamid Karzai, le ministre des Affaires étrangères du pays et Tom Koenigs, le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU. Une conférence internationale pour une nouvelle «stratégie efficace» tout en impliquant les pays limitrophes, tel est le nouveau langage de la diplomatie italienne: «L'Italie ne veut pas faire des pas en arrière, mais veut renforcer la collaboration sur le plan politique et économique», après avoir constaté l'inefficacité de l'approche militaire, «vu que sur le plan strictement militaire, il est difficile de trouver une solution à la crise». Une nouvelle conférence internationale sur l'Afghanistan «serait utile», indique, par ailleurs, le chef de la diplomatie italienne. Massimo d'Alema a dit avoir déjà discuté de cette initiative avec le ministre des Affaires étrangères espagnol, Miguel Angel Moratinos, ainsi qu'avec de hauts fonctionnaires français. Initiative bien accueillie par le président afghan Karzai, qui a donné son accord à la proposition «d'alemienne» sur le projet de la Conférence internationale. Mais au sein de l'alliance gouvernementale de Prodi, certaines divergences se font sentir à ce sujet, des voix de la gauche radicale demandent le retrait pur et simple des soldats italiens de Kaboul. Tandis que les réformistes de l'Union de «l'Olivier» expliquent que le dégagement unilatéral de l'Italie de l'Afghanistan ne se discute même pas. «Moins de militaires? Je ne le sais pas, les militaires sont malheureusement nécessaires», a précisé D'Alema lors d'une interview télévisée «seulement avec l'action militaire, on ne réussit pas à pacifier le pays». Les militaires italiens présents sur le sol afghan sont au nombre de 2000, ils font partie de la mission de paix de la Force internationale d'assistance à la sécurité (Isaf), dirigée par l'Otan, l'une des tâches de ces soldats est la responsabilité de la sécurité et de projets de reconstruction dans la province occidentale de Herat. Depuis le début de cette année, les violences ont quintuplé en Afghanistan, l'alliance Otan-USA, forte de ses 30.000 hommes, déclare ainsi avoir sous-estimé la situation où le rythme des attaques lancées par les talibans s'est amplifié. Plus de 3700 morts ont été enregistrés à travers le pays alors que les forces occidentales ont perdu, d'après certaines sources, un bon nombre des leurs, certains avancent même un chiffre qui oscille entre 400 et 500 soldats tués. Des pays impliqués dans la guerre tous azimuts en Afghanistan, estiment que «l'Alliance atlantique consacre trop d'efforts à pourchasser les talibans et pas assez à l'aide psychologique, humanitaire et au développement». «La réalité est que seuls des progrès limités ont été réalisés pour rendre accessible l'électricité, relancer l'agriculture et l'économie rurale», selon un rapport établi par des représentants de la communauté internationale et de l'Afghanistan. «Des fonds énormes ont été dépensés pour la reconstruction, mais les résultats ont été souvent décevants», déplore le rapport en mettant notamment en cause «une assistance technique internationale onéreuse et d'une qualité déficiente par rapport aux besoins du gouvernement afghan». Autre signe d'une grande inquiétude est la production d'opium qui a augmenté de 59% cette année, avec 165.000 hectares cultivés contre 104.000 ha en 2005, dans 28 des 34 provinces afghanes, principalement dans celle d'Helmand (sud). L'Afghanistan, un pays pauvre de 30 millions d'habitants, est le premier producteur mondial d'opium. L'insécurité qui prévaut en Afghanistan fait que le président afghan -installé au pouvoir en 2001 par les Etats-Unis après la chute des talibans qui a depuis survécu à deux tentatives d'assassinat, l'une en 2002, l'autre en 2004- ne met que très rarement les pieds en dehors de son palais. «Ce n'est que la troisième fois que le chef d'Etat sort en promenade à pied depuis 2001», commente un journaliste de l'agence Reuters. A New Delhi, où s'est déroulée la deuxième conférence régionale consacrée à la coopération économique avec l'Afghanistan et qui a pris fin hier, le président afghan a lancé un appel «à ceux de nos partenaires qui étudient peut-être leur engagement, je veux dire que le travail n'est pas terminé et que les enjeux sont importants» et a exhorté toute la communauté internationale à soutenir «la reconstruction du pays, dont la pacification est loin d'être achevée». Cette seconde rencontre après celle de Kaboul, tenue en décembre dernier, a réuni, jusqu'à hier, les pays voisins de l'Afghanistan, y compris le Pakistan, l'Iran et la Chine. Des représentants de plusieurs autres pays, dont la Turquie, l'ONU et des organisations internationales chargées de l'aide au pays, ont été également présents. L'Italie était représentée par le sous-secrétaire aux Affaires étrangères, Gianni Vernetti.